Pour se rapprocher de la direction du Bloc québécois, Martine Ouellet a choisi de se retirer volontairement du caucus du PQ. « Par cohérence », a-t-elle dit. « Par respect pour les deux formations. »

Et le respect des électeurs de Vachon, lui ? De la fonction élective qu'elle occupe ? De l'Assemblée nationale ?

Martine Ouellet peut bien se livrer à toutes les contorsions possibles, le cumul des fonctions de chef d'un parti fédéral et de députée provinciale est indéfendable.

Pas parce que les « risques de conflits » sont « sérieux », comme l'a pudiquement affirmé le Commissaire à l'éthique. Mais parce qu'il y a carrément conflit d'intérêts et de fonctions.

D'un côté, Mme Ouellet occupe un rôle de représentation démocratique, selon la volonté du corps électoral. Elle est l'oreille et la voix de l'ensemble des électeurs de sa circonscription, en plus d'être législateur. Et elle reçoit, pour ce faire, un salaire de l'Assemblée nationale, financé par les contribuables.

Et en même temps, elle souhaiterait occuper une seconde fonction, strictement partisane cette fois. Elle voudrait diriger le parti politique d'une autre assemblée législative, qui a d'autres compétences et d'autres pouvoirs. Et elle représenterait ainsi un groupe de personnes dont les attentes et les intérêts ne sont pas nécessairement ceux de ses commettants.

Or il est évident que l'intérêt des uns (les électeurs du Québec) n'est pas toujours le même que celui des autres (les membres du Bloc). D'où un évident conflit d'intérêts entre deux fonctions qui peuvent bien coexister dans un même parlement, au sein d'un même parti politique, mais pas dans deux formations implantées dans deux enceintes législatives distinctes.

Ce n'est pas pour rien qu'il est interdit de siéger dans les deux parlements... depuis 1874. Pas pour rien non plus qu'il y a de sévères contraintes à ce que peuvent faire les députés de l'Assemblée nationale en plus de leur fonction élective.

Ils ne peuvent pas être membres d'un conseil municipal ou d'une commission scolaire, par exemple. Ils ne peuvent pas occuper un emploi rémunéré par le gouvernement du Canada. Ils ne peuvent pas être dirigeant d'une organisation à caractère professionnel, commercial ou financier.

Mais ils pourraient du jour au lendemain être chef d'un parti politique ? Dans un autre parlement ? Dans une autre capitale ?

Éthiquement douteux. Et politiquement indéfendable, comme l'ont confirmé les péquistes Jean-François Lisée et François Gendron ainsi que les anciens bloquistes Gilles Duceppe et Louis Plamondon.

Comment, en effet, Martine Ouellet pourrait-elle bien tracer une frontière infranchissable entre son travail de députée et de chef ?

Comment s'assurer que sa nouvelle responsabilité ne nuise en rien à son actuelle fonction pour laquelle elle a juré « assiduité » ? Comment empêcher que du matériel de bureau et du personnel fournis par la province servent au fédéral ? Surtout quand elle-même prétend que ce sont les mêmes dossiers qui sont traités à Québec et Ottawa ?

D'ailleurs, il faut vraiment regarder la situation par le plus petit bout de la lorgnette souverainiste pour prétendre que ce sont les mêmes dossiers dans les deux assemblées législatives. Des dossiers pour lesquels, soudainement, il serait « nécessaire » d'assurer une « fluidité » !

Le mandat qu'elle a reçu des électeurs de Vachon ne se limite quand même pas à combattre Énergie-Est et à faire la promotion de l'indépendance sur tous les fronts ! Et le rôle du député ne se résume pas à défendre l'idéologie du parti pour lequel elle s'est présentée !

À l'évidence, il ne suffit pas de dire « je ne vois pas où est le problème » pour qu'il n'y en ait pas. Il ne suffit pas non plus d'évoquer les « 600 000 $ » qui ne seront pas dépensés lors d'une partielle pour évacuer tout malaise.

La démocratie représentative n'est pas monnayable. Et la fonction de député n'est pas à temps partiel. Les électeurs de Vachon n'ont donc pas à payer pour le parachute provincial dont veut se servir Martine Ouellet pour atterrir au fédéral.

Le Soleil, Yan Doublet

« Il est évident que l'intérêt des uns (les électeurs du Québec) n'est pas toujours le même que celui des autres (les membres du Bloc) », écrit François Cardinal.