Dans sa mise à jour budgétaire dévoilée hier, le ministre des Finances Carlos Leitao a annoncé que le gouvernement du Québec avait enregistré un surplus de 2,2 milliards l'an dernier, en 2015-2016. Du même souffle, il a annoncé qu'il réinjectera des fonds dans les programmes, surtout en santé et en éducation.

Il y a une question qui vient spontanément à l'esprit. Est-ce que le gouvernement Couillard a trop coupé ? N'aurait-il pas été mieux de moins comprimer les dépenses et de ne pas engranger des surplus supérieurs à ce qu'on avait promis ? Réduire les dépenses, notamment en santé et en éducation, là où ça a fait mal, pour remettre l'argent au même endroit, ça ressemble pas mal à donner un coup de pied à quelqu'un pour lui offrir ensuite un sparadrap.

C'est une bonne question. Mais c'est le genre de question qu'il est beaucoup plus facile de poser après coup. Et c'est aussi le genre de question simple qui appelle une réponse pas mal plus compliquée.

On découvre maintenant que, dans le fond, le ministre des Finances, Carlos Leitao, dans son budget du printemps 2015, a fait une erreur de 2,2 milliards.

Dans un budget, il est impossible de viser juste. Il y a trop de variables incontrôlables, trop d'inconnues, trop d'événements imprévisibles. En soi, pour un budget de 100 milliards, le taux d'erreur du ministre n'est pas très élevé.

À une nuance près. Si l'erreur avait été dans l'autre sens, et qu'on avait découvert un déficit imprévu de 2,2 milliards, les réactions auraient été féroces. Tant et si bien que les ministres des Finances ont tendance à vouloir pécher par prudence.

Dans ce cas-ci, y a-t-il eu excès de prudence ? Pour répondre, il faut regarder d'où vient ce surplus de 2,2 milliards. La très grande partie de ce surplus ne provient pas de compressions de dépenses des programmes du gouvernement. Ce sont des économies qui proviennent du coussin de 300 millions que se garde le gouvernement, de revenus fiscaux additionnels, comme l'impôt sur le revenu des sociétés, de dépenses moindres d'organismes comme la Financière agricole ou la Société d'habitation.

Les économies dans les dépenses de programmes représentent 839 millions, et encore là, une bonne partie provient de postes techniques, comme de taxes foncières.

Ce qui agace, ce sont les 127 millions d'économies en éducation et les 200 millions en santé, quoiqu'il y ait encore eu là des événements fortuits pour les expliquer, comme des économies réalisées à cause de grèves en éducation.

Si on avait su que ces sommes seraient disponibles, on aurait pu moins serrer la vis. Mais les sommes en jeu sont beaucoup plus modestes que les 2,2 milliards qui frappent l'imagination. Ce sont en général des éléments ponctuels, qui donnaient un coup de pouce pour 2015-2016, mais qui ne se reproduiront plus et sur lesquels on ne peut pas compter dans des efforts de contrôle de la croissance des dépenses.

Si on veut, rétrospectivement, faire le bilan de l'année dure que fut 2015-2016, celle où les compressions ont eu des effets perceptibles, j'ajouterais que ce que l'on peut reprocher au gouvernement Couillard est de nature plus qualitative que quantitative. Pas l'ampleur des compressions, mais bien davantage leur nature, les choix malheureux qui ont été faits. Ce que la protectrice du citoyen a bien résumé en écrivant que les compressions ont été «  moins éprouvantes pour la bureaucratie que pour les personnes vulnérables  ».

Mais il ne faut pas oublier que cette année est derrière nous, celle où la croissance des dépenses a été inférieure à l'inflation. Déjà, dans le budget de mars 2016, on commençait à retrouver un rythme de croissance plus confortable, ce qui sera encore plus le cas avec les dépenses additionnelles annoncées hier.

On pourra accueillir avec cynisme ce réinvestissement encore modeste, 235 millions cette année en santé, en éducation et en développement régional, et 910 millions l'an prochain, ce à quoi il faut ajouter l'élimination plus rapide de la taxe santé, en y voyant une manoeuvre politique - les coupes en première partie de mandat et les cadeaux à l'approche des élections.

Il est tout à fait exact qu'il y a là un calcul politique. Mais ce serait faire preuve d'angélisme de croire que le gouvernement libéral aurait pu réussir ce véritable tour de force de rétablir la santé des finances publiques et de survivre politiquement s'il n'avait pas modulé son effort pour que la période de vaches maigres soit suivie d'une période de vaches grasses afin qu'il y ait une récompense après les sacrifices.