Tout comme son adversaire républicain Donald Trump, Hillary Clinton a choisi le Michigan pour exposer les grandes lignes de son programme économique et fiscal.

Devant les ouvriers d'une usine de pièces aéronautiques de Warren, en banlieue de Detroit, la candidate démocrate a construit son discours de jeudi à partir de quatre questions destinées à éclairer les électeurs, mais surtout à mettre en valeur quelques éléments de son programme.

Qui présente un vrai plan de création d'emplois ? Qui va rétablir l'équité dans l'économie et la fiscalité ? Qui va aller au front pour défendre la classe moyenne ? Et, par-dessus tout, qui peut respecter ses engagements ?

La première question a servi de prétexte pour décrire son programme de 275 milliards sur cinq ans pour la modernisation des infrastructures. Au-delà des ponts et des routes, elle veut que tous les foyers américains aient accès à l'internet à haute vitesse pour favoriser l'apprentissage des plus jeunes et le recyclage des plus anciens.

Elle désire aussi financer des programmes d'apprentis payés, simplifier la paperasse des PME et s'assurer que les grandes entreprises payent leurs fournisseurs, allusion directe à la façon dont son adversaire aurait bâti sa fortune.

Elle a insisté sur sa volonté d'établir une surtaxe de 4 %, dite de la juste part, sur les revenus supérieurs à 5 millions par année que gagnent 0,02 % des Américains. Elle compte aussi mettre fin à une série d'échappatoires pour les plus nantis, leurs successions et pour les grandes entreprises qui délocalisent leur production ou leur siège social dans le seul but d'enrichir leurs actionnaires ou leurs PDG.

Évidemment, tout cela était prétexte à déprécier le programme de son adversaire présenté comme au service de ses pairs milliardaires.

Ma collègue Stéphanie Grammond l'a passé au peigne fin.

Rappelons quand même que les deux s'entendent pour ne pas ratifier le Partenariat transpacifique et s'assurer que la Chine joue franc-jeu dans ses échanges commerciaux. Mme Clinton n'a pas parlé jeudi de l'Accord de libre-échange nord-américain.

Elle s'est toutefois engagée à faire en sorte que les États-Unis deviennent de plus grands manufacturiers exportateurs à l'intérieur des accords existants. Cela ressemble davantage à un appel, voire à un avertissement aux multinationales pour qu'elles rapatrient leur production.

Au-delà de cette rhétorique électoraliste, il reste que les programmes des deux adversaires se démarquent non seulement par leurs mesures, mais surtout par leur impact sur les finances publiques à moyen terme.

La situation budgétaire des États-Unis est beaucoup moins saine que celle du Canada, mais nos voisins ont l'immense privilège de détenir la monnaie de référence dans le monde, ce qui les assure de trouver toujours du financement à bon compte.

Selon les chiffres du Congressional Budget Office (CBO), Washington se dirige de nouveau vers un déficit de plus de 500 milliards US cette année, soit 2,5 % environ de la taille de l'économie américaine. C'est 100 milliards US de plus que l'an dernier

En comparaison, le déficit de 40 milliards projeté par Ottawa représente 1,5 % de notre économie.

Au rythme actuel, le déficit américain augmentera jusqu'à équivaloir à près de 5 % de la taille de l'économie en 2026, selon le CBO.

Sur papier du moins, le plan économique et fiscal de Mme Clinton n'aggrave pas la dette publique américaine de façon plus importante que ce que projette le CBO. Cela lui est d'ailleurs fortement reproché par l'économiste démocrate de gauche Paul Krugman. Le Prix Nobel préconise d'ouvrir grand les vannes des dépenses consacrées aux infrastructures puisqu'il est très bon marché d'emprunter.

Mme Clinton entend plutôt financer son programme par des taxes imposées aux plus riches et aux entreprises, en obligeant celles-ci par exemple à rembourser tous les crédits d'impôt et subventions qu'elles ont reçus en cas de délocalisation.

Reste à voir comment quelques centres de recherche réputés comme la Brookings Institution, le Tax Policy Center ou le Committee for a Responsible Federal Budget chiffreront ses propositions.

Selon l'analyse qu'en a faite la Scotia, les coupes d'impôt de M. Trump sont susceptibles d'alourdir la dette publique américaine de 2000 milliards en 10 ans. Elle se situe aux environs de 15 000 milliards ces jours-ci.