La Réserve fédérale américaine reporte encore une fois la poursuite de la normalisation de son taux directeur, amorcée en décembre, mais interrompue depuis.

Le ralentissement du rythme de création d'emplois, la faiblesse persistante des investissements des entreprises hors ressources de même que les risques associés aux résultats du référendum prochain sur l'avenir du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne « ont pesé dans la décision », a reconnu sa présidente Janet Yellen, hier, en conférence de presse.

Cet aveu fait sans ambages est sans doute de première importance. Dans son communiqué, le Comité de politique monétaire qui fait part de la décision de la Fed ne souffle mot du Brexit. Il insiste par contre sur le ralentissement du marché du travail amorcé en avril et sur la faiblesse des investissements.

Les dix membres votants de Comité ont unanimement décidé de maintenir dans la fourchette de 0,25 à 0,5 % le taux de ses Fed Funds, tout en suggérant, comme en mars, qu'il y aura deux relèvements de la fourchette d'ici la fin de l'année.

La présidente de la Réserve fédérale de Kansas City, Esther L. George, qui avait inscrit sa dissidence en mars et avril, s'est ralliée. Elle aurait alors préféré poursuivre la normalisation du taux directeur, amorcée en décembre, après sept ans de taux fixé dans la fourchette de 0 à 0,25 %.

On sent de moins en moins de hâte de poursuivre le resserrement monétaire, les pressions inflationnistes étant très faibles. En fait, six des 17 membres du Comité jugent maintenant qu'une seule augmentation du taux directeur suffira cette année. En mars, il n'y en avait qu'un seul. Sept jugeaient même qu'il en faudrait au moins trois. Ils ne sont plus que deux dans ce camp.

Comme l'avait reflété le procès-verbal de la réunion d'avril, le rythme de normalisation du taux directeur fait l'objet de vifs débats au sein de la Fed.

Mme Yellen le reconnaît. Elle a rappelé que la trajectoire du taux directeur n'est pas préétablie, qu'elle fait l'objet d'échanges à chaque réunion. En bout de piste, c'est l'évaluation de la situation économique à la lumière des indicateurs les plus récents qui reste déterminante.

Pour l'an prochain, la projection médiane du taux directeur est ramenée à 1,6 % en fin d'année, ce qui suggère trois hausses, contre quatre en mars dernier.

Fin 2018, la médiane place la fourchette entre 2,25 et 2,5 %, soit un demi-point de moins qu'en mars.

Le taux neutre, c'est-à-dire celui qui correspond à une politique monétaire ni accommodante ni restrictive puisque l'économie fonctionnerait à son plein potentiel, est ramené à 3 %. C'était 3,3 % en mars et 3,5 % en décembre.

Comme dans les communiqués précédents, celui d'hier précise toutefois que la Fed s'attend à ce que le taux directeur demeure quelque temps « en deçà du niveau escompté à long terme ».

« Plusieurs experts sont d'avis que le taux neutre serait un taux réel à zéro », a noté Mme Yellen, tout en se gardant de souscrire à cette thèse. Cela revient à dire que le taux directeur serait égal au taux d'inflation dont la cible est toujours de 2 %.

Elle a rappelé que la croissance potentielle de l'économie est plus faible qu'autrefois à cause de la faiblesse persistante des gains de productivité et des investissements ainsi que du vieillissement de la population.

Les membres du Comité ont encore diminué leurs projections de croissance pour 2016 et 2017. Pour l'année en cours, on s'attend désormais à 2 %, contre 2,2 % en mars et 2,4 % en décembre. Cela reflète la croissance décevante observée durant l'automne et l'hiver. Pour 2017, on mise aussi sur 2,0 %, contre 2,1 % et 2,2 % dans les projections de mars et de décembre.

La Fed anticipe que le taux de chômage continuera de diminuer. Elle le voit à 4,7 % en fin d'année, soit le taux observé en mai, mais à 4,6 % et 4,5 %, fin 2017 et 2018, alors que la tendance à long terme est projetée à 4,8 %.

Une hausse du taux directeur à la réunion du 27 juillet reste hautement improbable, surtout si les Britanniques décidaient de quitter l'Union européenne, le 23 juin. Les remous d'une telle décision sur les marchés financiers restent bien difficiles à jauger, au-delà du choc initial.