Les indicateurs économiques canadiens qui paraîtront cette semaine prochaine ne devront pas faire illusion. Si la croissance a été forte en début d'hiver, le Canada traverse une nouvelle zone de turbulences, exacerbée par les incendies à l'orée des champs de pétrole bitumineux albertains.

De janvier à mars, le rythme annualisé d'expansion de l'activité économique (le PIB réel) a frôlé les 3 %, nous confirmera Statistique Canada mardi.

Cela est assez conforme au pronostic de 2,8 % publié par la Banque du Canada en avril.

Ce beau chiffre, peut-être même le meilleur du G7, cache toutefois le fait que la production mesurée par industrie a reculé de 0,1 % en février et vraisemblablement d'autant en mars. Bref, l'économie canadienne a carburé en janvier sur l'élan pris en novembre et surtout en décembre. Depuis, panne sèche.

Ce sont les données de la balance commerciale qui ont surtout déçu. En mars, le solde du commerce international de marchandises a plongé dans le rouge à une profondeur inédite de 3,4 milliards, soit près de 1 milliard plus creux qu'en février. Vendredi, on aura la confirmation que la situation ne s'est guère améliorée en avril.

Le secteur manufacturier se révèle jusqu'ici incapable de profiter de la faiblesse de notre monnaie face au billet vert. Tel est le prix du sous-investissement répété des propriétaires d'usines.

Les profits ne sont pas en cause. Selon les calculs de la Banque Nationale, les bénéfices des fabricants autres que les transformateurs de pétrole et de charbon ont augmenté de 687 millions durant l'hiver à la faveur d'une poussée de 1,1 milliard des profits des industries des aliments et boissons gazeuses, des véhicules et de leurs pièces ainsi que des produits chimiques, plastiques et de caoutchouc qui ont plus que compensé la baisse de 623 millions des bénéfices de la transformation première des métaux.

Peut-être les manufacturiers canadiens sont-ils atteints du même travers que leurs collègues américains : ils préfèrent utiliser leurs profits et même emprunter à faible taux pour racheter leurs actions plutôt que de moderniser ou grossir leurs capacités de production. On en aura le coeur net aussi vendredi.

Si tel est le cas, les gains de productivité qui font terriblement défaut aux entreprises canadiennes ne seront guère plus élevés que ceux de 0,5 % observés depuis maintenant quatre ans aux États-Unis.

Dès lors, l'avantage concurrentiel ne viendrait que du taux de change qui, en termes relatifs, diminue les coûts unitaires de main-d'oeuvre canadiens exprimés en dollars américains.

À ce jeu toutefois, le Canada n'a plus les atouts d'il y a 20 ans quand le Mexique et la Chine étaient encore associés au tiers-monde. Aujourd'hui, ces deux économies émergentes ont supplanté le Canada comme fournisseur hors énergie numéro un des États-Unis.

À l'opposé, le Canada demeure le premier débouché pour les exportateurs américains, même si, au final, il reste un exportateur net dans ses échanges de biens avec les États-Unis.

Par chance, l'économie américaine, qui a connu deux trimestres d'affilée de croissance poussive, semble rebondir. Les prévisionnistes tablent sur un rythme de plus de 2 % qui devrait d'ailleurs rassurer la Réserve fédérale américaine et tonifier le billet vert. Du bonbon pour le Canada, diront certains ; des calories vides, feront observer ceux qui se préoccupent de la santé à long terme de notre économie.

La diversification des marchés d'exportation devient de plus en plus un voeu pieux avec les difficultés à faire ratifier le Partenariat transpacifique (PTP) ou l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne.

Dans ce dernier cas, la publication récente du texte détaillé soulève beaucoup d'objections parmi les agriculteurs très mobilisés de l'Union européenne. Quant au PTP, les deux candidats favoris à la présidence américaine le voient d'un mauvais oeil et attisent les sentiments protectionnistes pour séduire les électeurs de la classe moyenne dont le niveau de vie a baissé depuis la Grande Récession.

Dans ce contexte, la remise en marche de l'économie canadienne reposera avant tout sur sa demande intérieure : consommation, construction, investissements publics et privés.

Pour la (re)construction, le sinistre albertain représente une belle bougie d'allumage (excusez-la !), mais il faudra davantage pour soutenir la cadence...