Vu le poids et le rayonnement de l'industrie aéronautique au Canada - et particulièrement au Québec - , l'hésitation du gouvernement Trudeau à apporter son soutien financier à Bombardier est incompréhensible.

Si le fédéral a besoin d'un argument ultime, l'annonce triomphante d'hier devrait le rassurer. Avec une commande ferme de 75 appareils CS100 et une option sur 50 autres, le géant Delta témoigne de sa confiance dans le programme de la CSeries et ce, à long terme.

L'aéronautique fait partie des secteurs les plus rentables d'un pays, tant sur le plan économique que politique.

Or, il se trouve que Bombardier Avions commerciaux vient non seulement de signer la plus grosse commande de son histoire, mais l'entreprise est aussi le troisième avionneur civil au monde.

Il se trouve aussi que le Québec tire admirablement son épingle du jeu dans le domaine de l'aéronautique. À l'échelle canadienne, la province contribue pour 70 % de la recherche et développement de l'industrie, 60 % de son PIB et 60 % de ses exportations.

Cette industrie est non seulement innovante, elle crée des emplois payants.

Dans la grande région de Montréal, un emploi sur 92 dépend de l'aéronautique. On parle du leader qu'est Bombardier, mais le Québec compte au total quelque 215 entreprises dans ce domaine.

Ne devrait-on pas s'en enorgueillir au lieu de chipoter ?

Bien sûr, il y a un prix politique à payer pour le gouvernement Trudeau, qui pourrait se faire taxer de favoritisme envers le Québec. Le poids de l'industrie dans la Belle Province fait en sorte que l'argument ne tient pas la route.

Gardons aussi en tête le sauvetage de l'industrie automobile en 2009. Le fédéral a alors investi près de 10 milliards pour protéger les emplois de cette industrie... majoritairement concentrés en Ontario. Dans ce contexte, que représente un milliard pour le Québec ?

Cessons de définir le problème à partir des frontières des provinces. En aéronautique, le terrain de jeu est mondial, on se doit d'être compétitif.

Les pays n'hésitent pas à soutenir - directement ou indirectement - leurs fleurons, particulièrement en recherche et développement. C'est le cas des États-Unis pour Boeing, de la France pour Airbus, du Brésil pour Embraer. Le Canada doit emboîter le pas.

Car la CSeries n'est pas une fin en soi et il faut continuer d'innover. Sans compter qu'il manque toujours deux milliards pour compléter le programme qui ne sera pas rentable avant 2020.

Les hésitations d'Ottawa ont des conséquences importantes. Le président et chef de direction de Delta, Ed Bastian, l'a souligné hier : quand un gouvernement soutient financièrement une industrie, comme le gouvernement Couillard l'a fait l'automne dernier en injectant 1,3 milliard dans le programme de la CSeries, le marché y voit un signal de confiance pour des années à venir.

Bombardier vient de connaître un premier trimestre décevant, avec des pertes de 11 % pour le secteur aéronautique. L'annonce d'hier lui redonne un élan. L'entreprise doit poursuivre sur sa lancée pour contribuer à faire en sorte que le Québec continue d'être le fleuron qu'il a été en aéronautique.

Il ne tient qu'à Ottawa de lui donner le coup de pouce nécessaire.