Que se passe-t-il au 55e parallèle pour que dans le Nord, les infirmières aient les compétences nécessaires pour diagnostiquer, prescrire et traiter les patients, mais qu'au sud, on ne leur reconnaisse plus les mêmes responsabilités ? C'est toute la complexité de l'autonomie des infirmières.

Québec vient toutefois d'autoriser un pouvoir de prescription pour certains médicaments et analyses de laboratoire. Environ 10 000 infirmières, pour la plupart des cliniciennes, sont visées. Ce gain témoigne d'une évolution qui se fait à très petits pas.

Mais le ton paternaliste n'est jamais loin. En avril 2013, quand les infirmières ont commencé à revendiquer ce pouvoir de prescription, le président de l'Association des jeunes médecines du Québec déplorait, dans la revue Santé, la « banalisation » de l'acte médical.

« Il est utile de rappeler que la prescription demeure un acte lourd de conséquences. L'ordonnance n'est que le début d'une longue chaîne de responsabilités [...] », écrivait-il en concluant que « l'expertise médicale est requise ».

Deux ans et demi plus tard, on ne peut pas parler de banalisation, surtout que les nouvelles responsabilités se limitent à des champs précis : contraception, infections transmises sexuellement, suivi de femmes enceintes jusqu'à 32 semaines de grossesse, traitement des plaies.

Dans ce secteur, le changement de cap promet un gain d'efficacité, tant pour l'infirmière que pour le médecin. Au lieu d'examiner le patient, de déterminer le traitement et le pansement nécessaires puis de résumer, souvent au téléphone, la situation à un médecin qui donnera son aval, comme c'est le cas actuellement, l'infirmière pourra agir immédiatement.

Mais il n'y a pas de révolution. Malgré que les ordonnances collectives existent depuis longtemps pour permettre aux infirmières de travailler plus efficacement, plusieurs conseils de médecins, dentistes et pharmaciens sont encore réticents à les signer.

Quant aux infirmières praticiennes spécialisées (IPS), elles bénéficient de pouvoirs accrus, mais du chemin reste à faire. Dans les cliniques, les IPS sont vues comme des « partenaires », mais pour Québec, leur travail est « supervisé » par les médecins. L'IPS suit ses propres patients, mais quand elle veut les référer à un médecin spécialiste, comme un dermatologue, sa demande doit être signée par un médecin de famille qui, souvent, n'a même pas vu le patient en question.

Et on oublie l'élément fondamental : les IPS - qui détiennent une maîtrise en sciences infirmières et un diplôme d'études supérieures spécialisées - représentent une poignée de personnes dans le réseau. Avec une cinquantaine d'admissions dans les universités chaque année, il faudra du temps avant d'atteindre l'objectif de 2000 IPS fixé par les libéraux... et de voir une différence.

Certes, les médecins et les infirmières qui ont appris à travailler ensemble ne reviendraient plus dans le passé. Mais ils sont encore peu nombreux, tandis que les embûches à l'autonomie des infirmières sont réelles et éloignent le réseau de la santé de sa mission : être au service des patients.