J'ai toujours eu du respect pour Gilles Duceppe, un homme intègre, très rigoureux dans son travail d'opposition à Ottawa, un modèle de sagesse au sein du mouvement souverainiste, notamment dans le triste épisode de la charte des valeurs.

Cela ne m'empêche pas de croire que le Bloc québécois n'a pas une grande pertinence, qu'il a contribué à exclure le Québec du pouvoir à Ottawa et que sa seule utilité est d'offrir aux souverainistes québécois un véhicule d'expression lors des élections fédérales.

J'apprécie assez M. Duceppe pour avoir été un peu triste pour lui quand il a choisi de reprendre la direction du Bloc pour se lancer dans la campagne fédérale. Le fait que le parti qu'il avait longtemps dirigé ait choisi un marginal politique comme Mario Beaulieu suffisait à montrer que cette formation politique était entrée dans un processus irréversible de déliquescence.

C'est pourquoi j'ai ressenti une certaine gêne quand Gilles Duceppe, dans un point de presse sur les boîtes postales communautaires dans les centres urbains, a dit que la meilleure façon d'empêcher ça, c'était de voter pour le Bloc québécois. Une intervention où le chef bloquiste a réussi, en quelques minutes, à démontrer involontairement pourquoi sa formation politique avait perdu son sens.

Je le cite : « Un des rôles du Bloc québécois, c'est d'intervenir quand le gouvernement fédéral fait preuve d'arrogance. Ça se produit malheureusement trop souvent. C'est le cas avec Postes Canada, qui est en train d'installer des boîtes postales pour remplacer la livraison du courrier à domicile et de fermer des bureaux de poste en région rurale »...« Il faut mettre fin à l'arrogance fédérale et pour ça, il n'y a pas de meilleure façon que d'envoyer une forte équipe du Bloc québécois à Ottawa. Donnez-nous un rapport de force et on va s'assurer du maintien des bureaux de poste et de la livraison du courrier à domicile ».

En soi, ce sont des propos assez typiques du Bloc : on insiste sur des dossiers qui permettent de dénoncer le fédéralisme, et on défend l'idée qu'il fait envoyer des députés bloquistes à Ottawa pour protéger les intérêts des Québécois.

M. Duceppe n'a fait qu'appliquer au dossier des postes le vieux disque un peu usé de l'argumentaire bloquiste.

Mais le paysage politique s'est tellement transformé que ce qu'on entendait, ce n'étaient plus les « grichements » qui masquent un peu la musique d'un vieux disque usé, mais le tac-tac-tac d'un disque qui saute quand l'aiguille s'est bloquée dans un sillon.

Ce qui a changé, c'est d'abord que les bloquistes ont déjà reçu un message assez clair il y a quatre ans. Mais en plus, les conservateurs sont assez en perte de vitesse pour qu'il soit tout à fait possible que les libéraux ou les néo-démocrates forment le prochain gouvernement.

En plus, dans le dossier qui nous occupe, tant les libéraux que les néo-démocrates s'engagent à renverser la politique conservatrice. « Je suis en faveur d'un moratoire sur l'installation des boîtes communautaires », a dit Justin Trudeau. « Nous allons rétablir la livraison du courrier à domicile et stopper la prolifération de ces boîtes postales communautaires nuisibles pour nos concitoyens » a dit le NPD par la bouche d'Alexandre Boulerice.

Et voilà pourquoi l'idée de M. Duceppe de se servir du dossier des postes pour séduire l'électorat devient une illustration par l'absurde de l'inutilité de son parti.

Car si vous êtes un Québécois indigné par la décision de Postes Canada, assez pour que cela oriente votre choix électoral, vous pouvez voter pour un gouvernement libéral qui veut infirmer sa décision, ou bien voter pour un gouvernement néo-démocrate qui la bloquera aussi, ou encore, vous pouvez voter pour le Bloc...qui la dénoncera sur les banquettes de l'opposition. Que feriez-vous ?