Le hasard a fait que, ces derniers jours, plusieurs événements distincts remettaient en cause le fonctionnement de notre démocratie parlementaire : les investitures libres dans les circonscriptions maintenant privilégiées par le PC et le PLC, la dénonciation par le Conseil du statut de la femme du trop faible nombre d'élues, les réformes au mode de scrutin proposées par le chef de la CAQ, François Legault.

Ces événements montrent surtout que la démocratie, c'est très compliqué, parce qu'on demande à notre processus électoral et à nos institutions une foule de choses, souvent mutuellement incompatibles.

Dans un premier cas, la victoire de Robert Libman pour l'investiture du Parti conservateur dans la circonscription de Mont-Royal, qui a battu Pascale Déry, journaliste à TVA, pourtant appuyée par l'establishment du parti, s'inscrit dans un courant où les organisations n'imposent plus de candidats dans les comtés sûrs et abandonnent la pratique du parachutage. Ce principe de l'investiture ouverte a également été adopté au PLC par Justin Trudeau.

Derrière, il y a une conception de la démocratie, où l'on décèle une pointe d'anti-élitisme, un désir de donner plus de pouvoir à la base militante des partis, mais, surtout, privilégier des candidats du milieu, qui ont travaillé dans leur circonscription pour obtenir leur investiture et qui, ultimement, représenteraient mieux les citoyens qu'un candidat de prestige venu d'ailleurs.

Le second questionnement vient de la lettre écrite au premier ministre Couillard par la présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne, pour le 75e anniversaire de l'obtention du droit de vote des femmes au Québec, dans laquelle elle déplorait à juste titre la faible présence féminine à l'Assemblée nationale, 27,2 %, et au conseil des ministres, 32 %. Oublions son argument peu convaincant sur la faible part du budget provincial, 9 %, contrôlé par les femmes ministres. Les deux ministres les plus puissants, aux Finances et au Trésor, ne contrôlent que 1,5 % du budget total.

Son intervention soulève l'existence d'un véritable déficit démocratique. Pour le corriger, il faut convaincre des candidates de qualité de faire le saut en politique dans des circonscriptions où elles peuvent l'emporter. C'est impossible si on ne se fie qu'à la dynamique locale.

Voilà donc un cas où les impératifs de la démocratie imposent des approches qui vont dans le sens contraire des investitures ouvertes.

Le troisième événement, c'est la proposition de François Legault d'introduire un élément de représentation proportionnelle dans les élections, où un certain nombre de députés serait désigné en fonction du nombre de voix obtenues par un parti. Un tel système, qui améliorerait la qualité de la démocratie, exige la création d'une liste de candidats qui ne représenteraient pas une circonscription, une logique qui nous éloigne du rôle traditionnel des députés.

On peut rajouter un autre niveau de complexité. Le député a en effet plusieurs rôles, ce qui mène à un tiraillement dans la façon dont on conçoit le rôle d'un parlementaire. En plus de représenter ses commettants, il siège à l'Assemblée nationale comme législateur, mais il peut aussi devenir ministre et participer à la gestion de l'État. La majorité des électeurs votent d'ailleurs pour un parti, et donc pour la formation du gouvernement, plutôt que pour un candidat.

Cela impose une autre contrainte au parti victorieux, celle de disposer d'un bassin d'élus permettant de constituer un conseil des ministres compétents. Cela justifie l'interventionnisme et la recherche de candidats de prestige. Le député qui se distingue par son travail acharné sur le terrain n'est pas toujours nécessairement celui qui ou celle qui fera un grand ministre.

Ces apparentes contradictions s'expliquent par le fait qu'au nom de la démocratie, on demande plusieurs choses aux élus et au processus électoral : représenter une région géographique, représenter la réalité sociologique, refléter les tendances politiques. Et donc qu'il n'y a pas de formule parfaite.