Sachant qu'entreprendre un premier régime est un facteur déterminant dans l'apparition de troubles alimentaires futurs, il est inquiétant de constater que trois adolescents sur cinq souhaitant contrôler leur poids ont recours à des méthodes risquées.

Une étude de l'Institut de la statistique du Québec révèle que 59 % des adolescents interrogés ont choisi la diète, les coupe-faim, le jeûne ou l'entraînement intensif, des méthodes jugées potentiellement dangereuses, pour atteindre le poids souhaité. Aussi, 41 % des jeunes filles affichant un poids santé souhaitaient avoir une silhouette plus mince. Préoccupant.

L'extrême maigreur ne doit pas être notre seul signal d'alarme pour détecter l'anorexie. Même une personne de poids normal peut souffrir de troubles alimentaires. Quand manger devient une activité comptable, quand chaque bouchée est évaluée en terme de calories, il y a un problème.

C'est l'engrenage vers une spirale de souffrances qui peut mener à l'extrême, comme en témoigne notre touchant dossier sur l'anorexie publié aujourd'hui et demain.

Les troubles alimentaires n'affectent pas seulement la personne malade - car il s'agit bien d'une maladie - , mais aussi ses proches, minés par la culpabilité, l'impuissance et le désarroi. Que dire ? Que faire ?

Les troubles alimentaires sont en croissance. Ils touchent majoritairement des femmes adultes, mais aussi des hommes et des garçons, dans un cas sur 10, ainsi que des adolescentes de plus en plus jeunes.

Quand l'organisme ANEB, reconnu dans le domaine de l'anorexie et de la boulimie, a commencé à donner des conférences dans les écoles, c'était auprès d'élèves de cinquième secondaire. Aujourd'hui, des enseignants du primaire font appel à ses services.

La société a un rôle à jouer. Les icônes de mode qu'on véhicule imprègnent l'esprit des jeunes qui veulent leur ressembler. Il faut aussi trouver un équilibre pour que le discours ambiant contre l'obésité soit axé sur le bien-être et non le poids. Conscientiser les jeunes à l'importance de faire du sport et manger sainement est nécessaire. Mais il n'est pas normal que des enfants de six ou sept ans refusent de manger certains aliments riches en gras ou craignent de devenir gros, comme c'est le cas actuellement.

Le réseau de la santé a aussi du chemin à faire. La santé mentale demeure le parent pauvre, particulièrement dans certaines régions. Beaucoup de professionnels manquent de connaissances ou se sentent impuissants vis-à-vis les troubles alimentaires. On ne mesure pas l'anorexie comme on mesure le taux de cholestérol. Ce n'est pas parce qu'une personne recommence à manger qu'elle est guérie.

Il faut continuer de former le personnel en première ligne pour détecter les problèmes et financer le communautaire, dont l'intervention est précieuse. Plus on parlera ouvertement des troubles alimentaires, plus les préjugés et l'incompréhension céderont le pas à la vigilance et à l'action.