Début septembre, les autorités ukrainiennes et les rebelles prorusses de l'est du pays ont signé un accord de cessez-le-feu. Le conflit qui a fait 3000 morts depuis le printemps s'est apaisé. Mais il ne s'est pas éteint.

Des tirs d'artillerie résonnent quotidiennement à Donetsk, la plus grande ville de la région, toujours contrôlée par les sécessionnistes. Cette semaine, l'explosion d'une usine chimique a secoué la ville, la recouvrant d'un épais nuage noir. Les rebelles et l'armée ukrainienne poursuivent leur combat acharné pour le contrôle de l'aéroport. En six semaines, ce conflit larvé a fait au moins 300 victimes.

Plus inquiétant, les rebelles viennent d'annoncer leur intention de reconquérir un chapelet de villes reprises par l'armée ukrainienne avant la trêve. Et comme dans un remake d'un mauvais film, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a constaté que 540 hommes en uniforme avaient traversé la frontière depuis la Russie vers l'Ukraine, la semaine dernière.

Le conflit qui oppose les rebelles de l'Est à Kiev brûle donc toujours, à petit feu. Occupés par des crises plus aiguës, les médias n'en parlent plus beaucoup. Mais il n'en faudrait pas beaucoup pour que la marmite ukrainienne explose à nouveau.

C'est dans ce climat ultraprécaire que les Ukrainiens iront voter, demain, pour élire leurs nouveaux députés. Attention: pas tous les Ukrainiens. Les électeurs des deux «Républiques populaires» de Donetsk et de Lougansk ne participeront pas à ce scrutin, et seront invités à élire leurs propres représentants, une semaine plus tard.

Techniquement, pour calmer le conflit, le gouvernement de Kiev a accordé à ces entités autoproclamées un statut spécial dont la portée reste floue, et qui doit rester en vigueur pendant trois ans. Mais les clauses de ce compromis ne sont pas vraiment respectées par ces enclaves dont l'avenir reste plus qu'incertain.

Mais les dangers qui menacent l'Ukraine ne viennent pas seulement des sécessionnistes du Donbass. La nouvelle mosaïque politique ukrainienne comporte quelques éléments explosifs. À commencer par le parti de l'ultrapopuliste Oleg Liachko, qui attire l'électorat d'extrême droite.

Lors de mon dernier reportage en Ukraine, au printemps, Oleg Liachko s'était illustré en kidnappant un militant prorusse et en l'exhibant dans le plus simple appareil - haut fait d'armes qu'il s'est empressé de filmer et de diffuser sur l'internet.

Selon Amnistie internationale, ce député, fondateur du bien nommé Parti radical, a fait sa marque de commerce avec ce type d'actions qu'il avait pris l'habitude de mener en compagnie d'un commando d'hommes armés.

Eh bien, le parti d'Oleg Liachko pourrait récolter jusqu'à 13% des voix, selon les derniers sondages, qui lui accordent la deuxième place dans les intentions de vote, derrière le Bloc du président Petro Porochenko (30% des voix), mais devant le Front populaire du premier ministre Arseni Iatseniouk (11%).

Ce genre de politicien provocateur et violent serait dangereux même dans un pays en paix. Il l'est d'autant plus sur le volcan ukrainien qui risque chaque jour d'entrer en éruption.

Deux questions se posent à la veille de ce vote. L'Ukraine réussira-t-elle à éviter une nouvelle explosion de violence? Le gouvernement issu du vote de demain réussira-t-il à implanter les réformes dont le pays a absolument besoin s'il veut se normaliser et poursuivre sa route vers l'Europe?

L'avènement d'une coalition dominée par le Bloc Porochenko ne garantirait pas le succès de ces réformes. Avec les oligarques qui continuent à tirer les ficelles de la politique, la guerre à la corruption est loin d'être gagnée. Mais c'est encore ce parti qui offre aux Ukrainiens les meilleures chances de stabilité, croit Dominique Arel, spécialiste de l'Ukraine à l'Université d'Ottawa.

Malgré tous les dangers, ce dernier voit quelques raisons de se réjouir. D'abord, parce que les élections auront bel et bien lieu. Ensuite, parce que les réformistes dominent dans les intentions de vote partout au pays. Et qu'ils ont donc une chance de former un gouvernement «solide et efficace».

Dans ce paysage politique en mouvement, les risques sont énormes. Mais l'espoir n'est pas interdit.