Les 15 minutes de gloire prophétisées par Andy Warhol sont parfois une obligation pesante, maintenant que nous sommes tous devenus, en quelque sorte, des personnalités publiques qui gérons nos avatars.

Et dans un monde virtuel plombé par les révélations d'Edward Snowden sur nos vies surveillées par la NSA, comptabilisées et vendues sur Facebook et autres réseaux sociaux, il se pourrait bien que le prochain désir soit celui d'avoir 15 minutes d'anonymat.

Cet anonymat, Zelda, la fille de Robin William, a dû se l'imposer en fermant ses comptes Twitter et Instagram, qu'elle alimentait activement, comme tous les gens de son âge. Entre une quantité phénoménale de messages de condoléances à la hauteur de l'affection que suscitait l'acteur, la jeune femme a reçu des photos trafiquées d'une grande violence, des blagues de très mauvais goût ainsi que des reproches sur le nombre de photos d'elle avec son père diffusées sur Instagram.

Il n'y a probablement rien de plus éloigné de la réalité du deuil que la mort d'une célébrité. Surtout quand il s'agit d'un suicide. On accuse alors les médias d'agir comme des vautours (quand on voit certaines couvertures de journaux jaunes, il est difficile de penser le contraire), mais depuis l'arrivée des réseaux sociaux, c'est un reproche que l'on peut maintenant faire à tous.

Pourquoi nous sentons-nous obligés de relayer la nouvelle? Et, plus encore, de la commenter? Ou pire, de l'utiliser pour s'amuser ou faire du mal?

Twitter est aujourd'hui le premier média vers lequel se tourne le public quand tombe une nouvelle comme la mort d'une célébrité, bien avant les médias traditionnels. Le premier cas notoire a été la mort de Michael Jackson, en 2009, qui avait fait exploser les tweets. Après l'annonce du décès de Robin Williams, il s'est publié près de 65 000 tweets à l'heure. Mais il aura suffi de quelques tweets cruels envers Zelda Williams pour que Twitter songe à modifier ses règles, comme l'a annoncé cette semaine sa directrice de la sécurité. Quand on sait que la cyberintimidation fait des ravages et a mené des adolescents au suicide, cette intention est la bienvenue.

Ce que l'on interdit aux morts célèbres est la dimension intime du deuil, faite de pudeur et de silence. On ne sait pas quoi dire d'autre que des banalités polies à des funérailles, mais on les balance sans gêne sur les réseaux sociaux dès qu'il est question de la mort d'une vedette. Le «cycle de vie» d'un décès médiatisé dans l'univers virtuel est aussi rapide que brutal: hébétude, hommages, dérapages, exaspération sur les dérapages ou les témoignages et, enfin, le silence. 

Le silence sans lequel le véritable deuil est impossible.