«Espérons que Pierre va retrouver ses chaussures avant de revenir au Salon bleu!»

Cette phrase absurde lorsque prise hors contexte (et même dans son contexte, à bien y penser!) était devenue un running gag parmi les libéraux à l'Assemblée nationale le jour où le nouveau chef, Philippe Couillard, avait sorti le député de Brome-Missisquoi, Pierre Paradis, de l'interminable purgatoire imposé par Jean Charest.

Confiné à son bureau, sans ministère ni la moindre responsabilité dans un comité parlementaire ou ailleurs, M. Paradis avait apparemment pris l'habitude de se la couler douce, en «pieds de bas», dans ses quartiers de l'Assemblée nationale, d'où il ne sortait pratiquement plus.

Lorsque Philippe Couillard l'a réhabilité, à la surprise générale, en le nommant critique aux Finances (pas un petit poste, en plus!), ses collègues ont craint un temps de le voir débarquer sans chaussures!

Chaussures ou non, ce retour en grâce de Pierre Paradis en avait étonné plus d'un. La réhabilitation du député de Brome-Missisquoi s'est confirmée mercredi avec son atterrissage à l'Agriculture, une autre surprise.

Il semble, à la lumière de la composition du premier Conseil des ministres de M. Couillard, que ce dernier aime bien les surprises.

Parmi celles qu'il nous réservait, la nomination du député de Rivière-du-Loup, Jean D'Amour, au poste de ministre délégué aux Transports et responsable de la région du Bas-Saint-Laurent.

Voici un homme qui s'est reconnu coupable d'activité de lobbyisme illégal, en 2009, alors qu'il faisait des démarches auprès d'un élu de sa région pour le compte de la firme de génie BPR. La loi dit qu'un ancien élu (M. D'Amour a été maire de Rivière-du-Loup) doit attendre au moins deux ans avant de se livrer à de telles activités.

Il a reconnu sa faute, il a payé une amende de 500 $, on a fermé le dossier et son ancien chef, Jean Charest, a accepté de passer l'éponge.

Lobbyisme illégal, relations des firmes de génie (ou de construction) avec les élus, copinage, obtention des contrats publics dans les régions auprès des administrations locales, ne sommes-nous pas là en plein dans la bouette dans laquelle on patauge depuis des mois à la commission Charbonneau? Si M. D'Amour avait été nommé ministre délégué aux Services sociaux, passe encore, mais aux Transports? Drôle de message.

Les mauvaises langues diront qu'il connaît déjà bien le secteur et ses principaux acteurs.

La nomination de Sam Hamad au Travail (en fait, au cabinet, point) est surprenante aussi, dans une certaine mesure, parce que sa proximité avec la firme Roche et son patron Marc-Yvan Côté pourrait le rendre radioactif, mais il n'a pas été à ce jour reconnu coupable de quoi que ce soit. Ce qui n'est pas le cas de Jean D'Amour.

Une autre nomination me laisse perplexe (je sais, je ne suis pas le seul): Gaétan Barrette à la Santé. Son apparence m'importe peu, quoique je le voie mal piloter des campagnes de prévention et de saines habitudes de vie.

Le problème est ailleurs. M. Barrette s'est fait connaître ces dernières années en militant pour l'amélioration du sort des médecins spécialistes, notamment pour leur rémunération.

C'était son job, sa cause. Est-ce que cela le qualifie à la Santé?

À l'évidence, M. Barrette a été un président de la Fédération des médecins spécialistes efficace, mais ses méthodes ont souvent déplu à ses interlocuteurs.

Si Michel Arsenault devenait ministre du Travail, on craindrait que ses décisions penchent toujours du même bord, non?

Hélène David, un premier test

Ceux qui connaissaient bien la nouvelle députée d'Outremont, Hélène David, la voyaient faire son entrée au Conseil des ministres, vraisemblablement en Éducation.

La surprise, c'est plutôt l'arrivée en catastrophe d'Yves Bolduc à ce poste, un ancien ministre de la Santé dont les compétences en éducation restent à être démontrées. Du coup, Mme David s'est retrouvée à la Culture et responsable de la Charte de la langue française.

Pour les libéraux, le dossier linguistique n'est jamais facile. La nouvelle ministre devrait d'ailleurs subir son premier test politique sous peu avec la publication attendue d'une étude de l'Office québécois de la langue française sur l'usage du français dans l'espace public. Le rapport est prêt, mais il a été mis sur la glace pour cause d'élections. Il fera jaser, assurément.

Bien des gens ont reproché à Philippe Couillard son manque d'engagement à défendre le français au Québec après qu'il eut dit, en débat à TVA, que les employés sur les chaînes de montage devraient être bilingues au cas où un acheteur américain débarquerait dans leur usine.

Parmi ses critiques les plus virulentes, une certaine Françoise David, la soeur de la nouvelle ministre responsable de la loi 101. De beaux débats en perspective à l'Assemblée nationale!