Quand le président de la FTQ, Michel Arsenault, a annoncé, lundi, qu'il ne briguera pas un nouveau mandat et qu'il prendra sa retraite dans quelques mois, il a entre autres attribué sa décision à la «campagne médiatique» dont il a été l'objet.

Cette réaction trahit un réflexe de déni, où M. Arsenault se perçoit essentiellement comme une victime, et non pas comme un artisan de ses propres malheurs. Pourtant, ce ne sont pas les médias qui ont scellé son sort, mais plutôt les extraits d'écoute électronique diffusés par la commission Charbonneau, assez accablants pour justifier son départ.

Ces extraits sonores montrent que M. Arsenault n'est pas un mauvais bonhomme, mais qu'il a une conception très élastique de l'éthique. Une éthique à géométrie variable qui s'explique sans doute par la culture dont il est issu, celle du monde syndical, où certains gestes sont tolérés parce la cause - la défense des travailleurs - est juste. Et où la logique de la solidarité crée un esprit de corps qui va jusqu'à protéger des ripoux.

Le cheminement de M. Arsenault soulève trois problèmes éthiques. Le premier porte sur les relations entre la FTQ et la FTQ-Construction. L'écoute électronique révèle des rapports troublants entre M. Arsenault et le directeur général de la puissante fédération, Jocelyn Dupuis, malgré ses manquements, malgré ses dépenses somptuaires, malgré ses relations avec les réseaux criminels. Un aveuglement volontaire qui s'explique sans doute par l'incapacité de la FTQ de contrôler sa puissante fédération.

Le second problème éthique porte sur les relations entre la FTQ et son Fonds de solidarité. M. Arsenault, à la fois président de la centrale et président du conseil du Fonds, a manifestement confondu les deux fonctions. En pilotant des dossiers d'investissement, même s'il y avait des balises, il compromettait l'indépendance du Fonds. Le Fonds n'est pas un jouet de la FTQ. Comme ses ressources proviennent en partie d'un abri fiscal, il a aussi des comptes à rendre à la société qui le finance.

Le troisième problème éthique tient aux relations triangulaires entre la FTQ, le Fonds et certains «partenaires» et surtout Tony Accurso. Techniquement, le Fonds pouvait fort bien investir dans ses entreprises sur la base de critères financiers. Mais il ne pouvait pas faire abstraction du contexte, les relations incestueuses des dirigeants de la FTQ et de la FTQ-construction avec le promoteur, notamment des croisières sur son bateau.

Non seulement le conflit d'intérêts est-il nauséabond, il soulève plein de questions. Jusqu'à quel point ces relations d'amitié assuraient-ils à M. Accurso la paix syndicale sur ses chantiers, et jusqu'à quel point ses concurrents, eux, risquaient des problèmes sur les leurs? Avec ce qu'on apprend sur les dirigeants de la FTQ-Construction, sur leur proximité du crime organisé, la question de l'existence d'une espèce de racket de protection institutionnelle peut se poser.

M. Arsenault rappelait hier que, depuis 2009, la gouvernance du fonds a été resserrée. Mais le processus est incomplet. Le simple fait que ce soit le Fonds de solidarité qui ait contesté en cour le droit de la commission Charbonneau d'utiliser des extraits d'écoute électronique indique que la confusion des genres est toujours présente. Car avec cette initiative légale, ce ne sont pas vraiment les intérêts du Fonds que l'on protégeait, mais plutôt ceux de la FTQ et de son président.

Il faudra aller beaucoup plus loin pour assurer une plus grande indépendance au fonds. Ce sera plus facile avec le départ de Michel Arsenault.