Il est difficile d'imaginer un événement plus apolitique, pacifique, rassembleur, qu'un marathon. Par contre, on conçoit fort bien que la ligne d'arrivée du prestigieux marathon de Boston est l'endroit idéal pour perpétrer un attentat si le but est de tuer des innocents directement sous le regard des médias, par conséquent du monde entier.

Les deux explosions presque simultanées déclenchées en milieu d'après-midi, hier, ont donc fait une centaine de victimes. Des morts heureusement peu nombreux, dont un enfant de huit ans. Ainsi que des blessés dont plusieurs se trouvaient dans un état critique au moment d'écrire ces lignes, un ou des membres parfois arrachés par la déflagration.

Mais le nombre de morts et de blessés, à supposer qu'on le juge relativement peu élevé, ne change rien à ceci: l'attentat a instantanément replongé les Américains dans leurs pires cauchemars. Le traumatisme profond, pas encore complètement guéri, provoqué par le massacre du 11 septembre 2001. Et celui qui a suivi la destruction d'un édifice gouvernemental d'Oklahoma City, le 19 avril 1995, le pire attentat enregistré jusqu'alors aux États-Unis avec ses 168 morts. Un crime islamiste dans un cas, d'origine domestique dans l'autre.

À Boston, on ne sait pas encore qui a agi. «Nous trouverons qui et pourquoi», a assuré le président Barack Obama dans une courte déclaration, trois heures après l'événement.

Les deux bombes - apparemment artisanales, compactes, d'assez faible puissance - ont explosé alors que 4500 des 23 300 coureurs n'avaient pas encore franchi le fil d'arrivée. S'ajoute donc à l'horreur le fait que ceux et celles qui arrivaient à ce moment-là, partis depuis plus de quatre heures, étaient véritablement des amateurs, courant souvent au nom et au bénéfice d'oeuvres de charité.

Voyant ce qui venait se produire, plusieurs ont continué à courir vers le plus proche hôpital afin de donner du sang - au point que les autorités ont peu après demandé aux donneurs potentiels de s'abstenir, les réserves étant suffisantes. De même, des milliers de familles de Boston ont offert le gîte et le couvert aux coureurs et à leurs proches que l'événement aurait laissés à la rue - une pagaille intégrale a régné pendant plusieurs heures, en effet, bloquant communications et transports.

Dans tous ces cas, c'est l'altruisme côtoyant la plus démente cruauté. Le meilleur et le pire. Les deux faces indéracinables de l'être humain.