«Le Parti libéral du Québec est mal en point dans plusieurs régions», a titré notre chef de bureau, Denis Lessard, la semaine dernière. Mal en point, le Parti libéral (PLQ) l'est, en effet, et loin de lui faire du bien, la présente course à la direction pourrait l'amocher encore plus.

Les chiffres ne trompent pas: il ne reste aujourd'hui que 45 000 membres au PLQ, un creux historique. Ils étaient deux fois plus nombreux à l'époque de Robert Bourassa et leur nombre avait dépassé les 200 000 après l'arrivée de Jean Charest en 1998, alors qu'il n'y avait même pas eu de course à la direction.

Ces courses (ou l'arrivée d'un nouveau chef) sont, historiquement, l'occasion rêvée pour un parti d'augmenter le nombre de ses membres, mais pour ce faire, il faut vendre de bonnes vieilles cartes de membre.

À l'évidence, on ne se bouscule pas ces jours-ci, malgré la course entre trois candidats de qualité, pour acheter une carte de membre du PLQ.

Cette désaffection (mais aussi le fait que les trois équipes ont fait peu d'efforts pour recruter de nouveaux membres) risque de faire mal paraître le PLQ au moment de son congrès à la direction, le mois prochain à Verdun.

Des organisateurs libéraux des trois camps doutent en effet que le PLQ réussisse à réunir les 3000 délégués attendus pour ce congrès qui élira le prochain chef. Chacune des 125 circonscriptions doit normalement envoyer 24 délégués, dont obligatoirement 8 jeunes, mais au moment où le choix de ces délégués commence partout au Québec, on s'aperçoit qu'on est loin du compte dans plusieurs circonscriptions, et pas nécessairement dans les coins les plus reculés de la province.

À Saint-Hyacinthe, par exemple, l'association de circonscription n'a réussi à trouver que 19 délégués en début de semaine. Le plus cocasse, c'est que les camps Couillard et Bachand croient tous deux contrôler cette délégation... Visiblement, le travail de terrain connaît des lacunes, ce que reconnaissent des organisateurs chevronnés du PLQ un brin déçus.

La direction du PLQ a volontairement choisi de tenir le congrès à Montréal pour réduire les dépenses engagées par les membres et par leur association de circonscription. En effet, 80 des 125 circonscriptions sont à une heure et moins de Montréal, ce qui réduit les frais de déplacement et de logement. Mais même cette précaution ne suffira peut-être pas à remplir la salle.

Des circonscriptions montréalaises, comme Hochelaga-Maisonneuve, ou de la banlieue, comme Terrebonne, n'ont pas assez de membres pour réunir 24 délégués. Même dans des circonscriptions libérales, ou qui ont été longtemps rouges, comme Brome-Missisquoi ou Bonaventure, on aura du mal à faire le plein.

Évidemment, cette désaffection se fait aussi sentir dans les finances. À ce jour, après plus de trois mois de campagne, les trois aspirants à la direction ont récolté, à eux trois, moins de 800 000$ (Bachand, 294 828$; Couillard, 361 971$; et Moreau, 125 268 $).

Rien de très rassurant pour les libéraux qui devront, sitôt la course à la direction terminée, se préparer pour les prochaines élections générales.

Toutes les courses à la direction donnent lieu à des affrontements plus ou moins violents, qui laissent parfois de profondes cicatrices.

On a dit, ce qui est vrai, que cette course ne lève pas, que les positions des candidats sont assez semblables, mais à l'approche du fil d'arrivée, les attaques se font de plus en plus virulentes contre le meneur présumé, Philippe Couillard. Cela, inévitablement, laissera des traces, d'autant plus que le caucus de 50 députés est divisé à peu près équitablement entre les trois prétendants.

Depuis quelques jours, Pierre Moreau et Raymond Bachand reprochent à M. Couillard ses liens passés avec Arthur Porter, en plus de laisser entendre que l'ancien ministre de la Santé est autoritaire et que seule la direction du parti l'intéresse.

Hier, M. Bachand a lancé une autre salve contre M. Couillard, en l'accusant d'avoir caché, à ce jour, son intention d'abolir la taxe santé.

«Les déclarations d'intention, où toutes les portes demeurent prudemment ouvertes afin de se réserver toutes les options, les gens en ont soupé», a écrit M. Bachand dans un communiqué.

De toute évidence, Raymond Bachand a décidé de jouer le tout pour le tout en s'en prenant au favori à cinq semaines du vote. Cela dit, il n'a pas tout à fait tort: M. Couillard joue effectivement très prudemment dans cette campagne, en demeurant vague sur la plupart des enjeux.

Par ailleurs, des adversaires de M. Couillard appellent les médias depuis quelques jours pour leur rappeler de vieilles entrevues datant de 2003, pour exprimer des doutes sur ses appuis et répandre des rumeurs.

La dernière? Philippe Couillard aurait habité dans un appartement d'Arthur Porter il y a quelques années, ce qu'il nie fermement.

Il devient chaque jour un peu plus difficile d'imaginer que MM. Couillard, Bachand et Moreau pourront travailler ensemble, main dans la main, après cette course.

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Raymond Bachand n'écorche pas que Philippe Couillard, il ne manque jamais une occasion de critiquer le gouvernement Marois, le «pire gouvernement» qu'il a vu, dit-il.

Un gouvernement qui menace l'économie du Québec et effraie les entreprises, ajoute-t-il.

«Les gens des grandes entreprises n'en parlent pas, mais leur plan de déménagement est prêt, ils l'ont simplement mis dans le tiroir parce que le gouvernement est minoritaire», a-t-il dit récemment en entrevue à La Presse.