La saga de l'acquisition par le Canada d'une flotte de chasseurs F-35 se poursuit... sur une trajectoire en piqué laissant de plus en plus entrevoir une fin abrupte du projet. Selon Postmedia, le gouvernement Harper aurait décidé de mettre fin à l'aventure à la lumière d'un rapport dévastateur de la firme comptable KPMG, lequel vient après un document de la même eau déposé, en avril dernier, par le vérificateur général.    

Ottawa nie avoir pris une telle décision et annonce pour la semaine prochaine la publication du rapport de KPMG ainsi qu'un énoncé d'intention.

La firme comptable estimerait aujourd'hui le coût d'acquisition et d'entretien des 65 chasseurs prévus à quelque 40 milliards de dollars - il était question à l'origine de 15, puis plus tard de 25 milliards. Et l'escalade n'est probablement pas encore terminée.

Rien ne va comme prévu, en effet.

Il faut comprendre que la conception et la mise en opération du F-35 constituent le programme d'armement le plus ambitieux et le plus coûteux de l'Histoire. Les 2440 appareils destinés à la Défense américaine représentaient, avant réévaluation des coûts, un investissement de 1100 milliards de dollars en incluant les coûts d'opération! Huit autres pays, dont le Canada, avaient annoncé qu'ils seraient preneurs.

Or, les États-Unis eux-mêmes ont ralenti leur rythme d'acquisition et plusieurs pays participant au programme ont également commencé à douter.

En outre, le développement du chasseur furtif s'avère d'une complexité inouïe. Par exemple, le F-35 ne peut voler qu'assisté par 20 millions de lignes de code informatique, à bord et au sol, qui ne sont pas encore au point. Et le casque de pilotage, un élément vital aussi, sorti tout droit de Star Wars et évidemment nourri par ordinateur, n'est pas encore totalement opérationnel. Au Pentagone, le F-35 de Lockheed Martin est qualifié de «logiciel volant»...

Finalement, on craint que les retombées industrielles pour le Canada du programme des F-35 ne soient pas à la hauteur des attentes. À ce jour, on se trouve incapable de les évaluer.

Bref, tout cela est devenu insensé.

Ottawa a déjà investi, sans appel d'offres, 200 millions dans l'aventure du F-35. Il est maintenant temps que le gouvernement de Stephen Harper revienne à la case départ.

Pour commencer, le Canada a-t-il besoin de chasseurs? Et pour quels usages précis? Si oui, combien en faut-il? Et de quel type? Au moins six autres avionneurs dans le monde, de l'américain Boeing au français Dassault, offrent de tels jouets. D'autre part, les drones remplacent de plus en plus les appareils conventionnels dans nombre de missions: les Américains forment aujourd'hui davantage de pilotes de drones que de chasseurs.

«L'armée a moins de chevaux et de baïonnettes que jadis...», lançait Barack Obama lors de la dernière campagne présidentielle. Il est peut-être temps aussi d'avoir moins de chasseurs.