Le 29 juillet 2011, une mère de famille de 35 ans, Chantal Lavigne, perdait la vie au terme d'une séance de sudation supervisée par une femme surnommée Séréna (Gabrielle Fréchette, accusée de négligence criminelle). La victime est morte «cuite», devait statuer le coroner Gilles Sainton.

Ce fut un rappel brutal de l'existence, autour de nous et en nous, de la tentation constante de l'irrationnel, du miraculeux, de la magie...

En prenant connaissance du grand reportage de Marie-Claude Malboeuf dans l'univers des gourous et guérisseurs, on peine à déterminer quel sentiment nous habite. L'ahurissement? Le désespoir devant l'incommensurable crédulité humaine? Publiée depuis trois jours dans nos pages (elle se poursuit la semaine prochaine), cette exceptionnelle série d'articles révèle des comportements troublants, ceux des thérapeutes autoproclamés comme ceux de leurs «patients» et victimes.

Chez les premiers, il est souvent difficile d'identifier quelle motivation, appât du gain ou auto-intoxication aux théories fumeuses, l'emporte. Chez les seconds, le dénominateur commun semble être une vulnérabilité à la mesure de la détresse - solitude, dépression, maladie ou autres - qu'ils vivent.

L'affaire devient pernicieuse lorsqu'elle touche des enfants, que l'on tente de transformer en «gourous juniors» - une mode, apparemment. Ou qui, lorsque malades, sont soumis à des interventions qui, au mieux, ne leur feront aucun bien. Au pire, leur feront du mal. Sans parler de leur initiation précoce à la pensée magique, qui est un drame en soi.

Autre cas: celui des infirmières transformées en guérisseuses, des dérapages de psychologues, des praticiens douteux se faufilant dans les établissements de soins. Tout cela révèle une relation alarmante entre le... paranormal thérapeutique, pour ainsi dire, et le réseau de la santé.

***

Combattre ces dérapages suppose deux types d'interventions.

Le premier, dirigé contre les praticiens, se fonde sur le Code criminel ou la réglementation des ordres professionnels. C'est un processus difficile: les victimes hésitent à porter plainte, les gourous et guérisseurs savent contourner la loi. Un progrès important a été, en juin, l'adoption d'une loi permettant à l'Ordre des psychologues d'encadrer les diverses formes de psychothérapie.

Le second type d'intervention vise les clientèles vulnérables. Il consiste essentiellement à tenter de protéger les gens contre eux-mêmes... Ce qui est plus difficile encore.

Il faut alors compter sur l'éducation. Avec toutes les limites que cela suppose. Avec le fait que, même à l'école, l'irrationnel sous toutes ses formes parvient à s'introduire. Avec la douloureuse constatation qu'un haut niveau d'instruction ne constitue pas une protection infaillible contre le «nettoyage des cuvettes d'énergie» ou les «rayons bleus de l'Archange».