Tout indique qu'un troisième lock-out en 18 ans paralysera les activités de la Ligue nationale de hockey (LNH) à compter de samedi. Si le hockey reste le sport national du Canada, il s'agit avant tout d'une grosse business dont le sort se joue bien au-dessus de la tête des partisans, dont la fidélité est tenue pour acquise.

Un accord de dernière minute entre les propriétaires et l'Association des joueurs apparaît improbable bien qu'on ait annoncé hier soir la tenue d'une séance de pourparlers ce matin à New York. Quelques heures plus tard, 200 joueurs sont appelés à venir appuyer en bloc leur négociateur en chef Donald Fehr, pendant que le commissaire Gary Bettman recevra assurément la bénédiction des gouverneurs de la LNH pour déclencher les hostilités.  

L'enjeu pécuniaire est de taille. Depuis le dernier conflit qui a anéanti une saison complète il y a sept ans, les revenus annuels de la LNH ont bondi de 50% pour atteindre 3,3 milliards.

Les propriétaires sont gourmands: ils demandent, entre autres, une réduction de la quote-part des joueurs de 57% à 46% des revenus. Deux autres ligues professionnelles autrement plus riches que la LNH (la NFL et la NBA) ont accepté un partage moitié-moitié après leur lock-out l'an dernier.

Pour les proprios, posséder une équipe de la LNH est d'abord un symbole de prestige, un joujou de luxe. Pour les joueurs, une saison loupée, c'est autant de millions qu'ils ne reverront pas, surtout quand on considère qu'une carrière dure cinq ans en moyenne.

Et les amateurs de hockey? Pris en otages, ils devront encore ronger leur frein. Ils n'auront jamais autant mérité leur rôle de spectateurs: ils ne peuvent qu'assister impuissants à ce bras de fer entre millionnaires, pour qui l'intérêt des partisans est le cadet de leurs soucis. Ils savent pertinemment que les fans, en manque de leur sport favori, seront immanquablement au rendez-vous, tout aussi loyaux, lorsque les activités de la ligue reprendront. C'est ce qui est arrivé en 1995 et en 2005, alors pourquoi pas cette fois-ci? En attendant, il y aura toujours L'antichambre pour passer le temps.

Toutefois, avec tous ces joueurs qui changent de chandail d'équipe comme ils changent de chemise, il est de plus en plus difficile pour les amateurs de s'identifier à leur équipe favorite. «Le CH tatoué sur le coeur» est une expression qui appartient de plus en plus à un passé empreint de nostalgie. Ramener les partisans sevrés devant le petit écran et dans les amphithéâtres du circuit Bettman après plusieurs mois de conflit pourrait s'avérer un défi plus grand qu'escompté. La LNH et les joueurs devraient en tenir compte dans leur stratégie de négociation.

Mais si les deux parties ont autant de respect pour leurs fans que les joueurs en ont entre eux sur la patinoire, le conflit risque d'être long. Mince consolation, pour les partisans, l'absence de hockey fera moins mal qu'une commotion cérébrale.