Depuis une semaine, les appels se multiplient en faveur d'une intégration accrue des États membres de l'Union européenne.

La sortie de la crise et la survie de l'euro exigent, affirment élus, fonctionnaires et commentateurs, de nouvelles étapes dans la «fédéralisation» de l'Europe. Dans une entrevue au Financial Times, le premier ministre canadien Stephen Harper a bien résumé ce sentiment: «Si la zone euro est sérieuse quand elle prétend former un bloc économique unique, elle doit être prête à prendre toutes les mesures nécessaires afin de stabiliser sa situation bancaire et fiscale.»

Première mesure: la création d'une union bancaire. Comme les besoins des banques en difficulté dépassent les moyens des gouvernements nationaux, eux-mêmes dans le rouge, elles doivent avoir accès aux capitaux de l'ensemble du continent. Toutefois, l'Allemagne refuse que le Fonds européen de stabilisation financière prête directement aux banques à moins que les activités de celles-ci soient supervisées par une institution européenne centrale.

Deuxième mesure: la mise en place d'une union fiscale. Encore là, il s'agit d'une exigence de l'Allemagne. La chancelière Angela Merkel ne veut rien savoir d'euro-obligations qui permettraient à tous les États membres de se financer à des taux raisonnables. Mme Merkel serait sans doute plus accommodante si cette mise en commun des dettes s'accompagnait d'un contrôle serré des politiques fiscales nationales par Bruxelles.

La Commission européenne et la Banque centrale européenne doivent présenter un plan pour une «union économique et monétaire renforcée» aux dirigeants des 27 pays membres lors de leur prochain sommet, dans trois semaines. Il est certain que les chefs de gouvernement auront du mal à s'entendre sur un plan aussi ambitieux. Non seulement il s'agirait pour eux d'accepter un nouveau transfert de souveraineté vers les institutions européennes, mais une telle politique susciterait à coup sûr le mécontement d'une bonne partie de leurs électorats respectifs.

L'histoire de la construction de l'Europe montre qu'il est préférable d'y aller à petits pas. Tout projet embrassant trop large risque de connaître le même sort que la constitution européenne de 2004, morte-née après avoir été rejetée par les électeurs français et néerlandais.

Il vaut mieux parer au plus pressé et au moins controversé, soit l'union bancaire, qui permettrait d'isoler les problèmes financiers des banques de ceux des États et, par le fait même, réglerait l'aspect le plus problématique de l'impasse actuelle.

«L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord des solidarités de fait», disait en 1950 l'un des pères de l'intégration européenne, Robert Schuman. L'heure est venue d'une autre de ces «réalisations concrètes» fondatrices de l'Europe moderne.