L'entrée en Bourse de Facebook, le 18 mai dernier, nous a permis de découvrir le visage à deux faces des principaux actionnaires de l'entreprise et des preneurs pour compte du premier appel public à l'épargne du populaire réseau social sur l'internet.

À la suite d'une vaste campagne de promotion mondiale qui visait manifestement à créer une demande excessive pour les actions mises en circulation, les bonzes de Facebook, de concert avec des grandes banques d'affaires impliquées jusqu'au cou dans l'émission, ont réussi à obtenir un prix initial complètement démesuré, soit 38,00$US l'action. Ce prix de vente donnait du coup une capitalisation boursière de 104 milliards US, faisant de Facebook le numéro UN au monde des premiers appels public à l'épargne.

En quoi ce prix d'émission à 38,00$US était-il exagéré? Facebook faisait ainsi son entrée officielle en Bourse à un cours équivalent à près de 100 fois les bénéfices. À titre de comparaison, le prix de l'action de Google se négocie à environ 18 fois les bénéfices.

Facebook n'est pas la première société internet à faire ses premiers pas en Bourse à un prix atteignant 100 fois ses bénéfices. Le problème avec Facebook? Il ne s'agit pas d'une PME susceptible d'enregistrer une phénoménale croissance. Facebook a beau être une jeune entreprise d'à peine huit ans, elle est devenue une mégaentreprise avec son immense réseau de 900 millions d'utilisateurs. Il est certain qu'au fil des années, Facebook réussira à augmenter sa rentabilité. Mais à 100 fois les bénéfices ou presque, il était évident que le titre était émis à un prix fort surévalué pour une si grande société au potentiel de croissance quand même relativement limité.

Pourquoi qualifier de visage à deux faces les principaux actionnaires de Facebook, dont son médiatique jeune fondateur, Mark Zuckerberg? Parce que cet appel public à l'épargne à gros prix avait pour but premier de permettre à ses hauts dirigeants et importants actionnaires de passer à la caisse en liquidant une portion de leurs actions.

Sur les 421 millions d'actions émises en Bourse, le Trésor de l'entreprise en a vendues 180 millions (pour 6,8 milliards US) et les principaux actionnaires et dirigeants en ont liquidé 241 millions, soit 57% des actions émises. Ces derniers se sont partagé une recette de 9,2 milliards US.

C'est donc dire que la première émission d'actions de Facebook a servi avant tout à remplir les poches de dirigeants et actionnaires de l'entreprise.

Que des actionnaires et dirigeants passent à la caisse lors d'un premier appel public à l'épargne est assez courant. Le hic avec ceux de Facebook? Ils ont vanté à tour de bras le potentiel extraordinaire de leur entreprise auprès des investisseurs potentiels alors que l'objectif ultime était de liquider une partie de leurs actions à prix exagéré.

En quoi maintenant peut-on également qualifier de visage à deux faces les principales banques d'affaires qui ont agi comme intermédiaires (preneurs pour compte) dans le cadre de ce gigantesque appel public à l'épargne? Les grandes maisons de courtage comme Morgan Stanley, J.P. Morgan, Goldman Sachs&Co... devaient se douter qu'à un prix de 38,00$US, l'action de Facebook allait tôt ou tard faire l'objet d'une sévère correction.

Mais l'appât du gain à Wall Street fait partie de la routine quotidienne. Les grandes banques d'affaires n'allaient surtout pas conseiller à leurs clients de passer leur tour et d'attendre avant d'investir dans Facebook.

Le premier appel public de Facebook leur a rapporté la jolie somme de 176 millions US, juste en commissions.

Que dire par la suite des centaines de millions de dollars que les maisons de courtage vont encaisser grâce à la cotation des actions de Facebook en Bourse.

Au cours des huit premières séances de négociation, Facebook a fait l'objet d'un volume de 1,1 milliard d'actions échangées. C'est près de trois fois le nombre d'actions inscrites à la cote du NASDAQ le 18 mai dernier.

L'action de Facebook se négocie présentement près de la barre des 29,00$US. Le titre accuse ainsi un recul de 24% par rapport à son prix initial d'émission.

C'est catastrophique pour les investisseurs qui ont succombé au charme de Facebook, en prenant pour du cash les rumeurs laissant entendre que le titre avait des chances de rapidement doubler de valeur. L'extraordinaire engouement que l'entrée en Bourse de Facebook suscitait... a complètement leurré les investisseurs.

L'appât du gain a même aveuglé les grands investisseurs institutionnels qui ont fait le plein de Facebook à haut prix.

Avant que les maisons de courtage (banques d'affaires) impliquées dans la vente de l'émission réussissent à créer un halo d'engouement envers le titre, les analystes misaient sur un prix de 28,00$US pour l'entrée au NASDAQ de Facebook.

A 28,84$US hier à la clôture du NASDAQ, le titre est évidemment moins surévalué. Mais il se négocie néanmoins encore à 74 fois les bénéfices...