Des profits de 54 millions de dollars. Voilà le gain en capital que les hauts dirigeants et autres employés clés de SNC-Lavalin se sont partagé depuis 2009 en liquidant des blocs d'actions acquises par l'entremise du régime d'options.

Et fait à noter, malgré l'éclatement du scandale qui perdure depuis le printemps 2011, les employés clés de SNC-Lavalin ont continué de passer à la caisse comme si de rien n'était.

Ainsi, en cette année de misère de 2011, ils ont globalement liquidé 819 400 actions pour une valeur totale de 44 millions de dollars. Ces actions avaient été acquises après avoir exercé un nombre équivalent d'options. Les «bienheureux» employés de la multinationale se sont ainsi partagé un profit 17 millions de dollars. Acquises à un prix moyen de levée de 32,84$, les actions ont été revendues en 2011 à un prix moyen de 54,03$.

L'année précédente, soit 2010, ces employés clés avaient empoché encore plus de profits. Ils avaient liquidé sur le marché 901 600 actions, pour une recette globale de 48 millions. Les actions ont été cédées à un cours moyen de 53,18$, après avoir été achetées au prix moyen de 26,98$, pour un débours total de l'ordre de 24 millions. On parle donc en 2010 d'un profit collectif de 24 millions.

En 2009, ils avaient été un peu moins actif sur la liquidation de leurs options et actions. Ils ont tout de même encaissé un profit de 13 millions après avoir liquidé pour la somme de 24 millions les 538 000 actions qu'ils avaient acquises par l'entremise du régime d'options de la compagnie.

Cela étant dit, SNC-Lavalin s'est toujours montré très active dans le rachat de ses propres actions sur le marché. Et l'entreprise entend bien le rester en 2012 malgré le parfum de scandale qui enveloppe la multinationale du génie-conseil.

Pourquoi racheter ses propres actions?

Quand une entreprise cotée en Bourse met en place un plan de rachat de ses actions, ça laisse généralement entendre aux investisseurs que lesdites actions représentent un bon placement. Après tout, ces rachats s'effectuent avec les liquidités de la trésorerie de la compagnie. L'argent qui est investi dans le rachat des actions n'est pas utilisé à d'autres fins.

Mais chez SNC-Lavalin, ce n'est absolument pas une question de placement pertinent ou non! Le programme de rachat vise essentiellement à racheter les actions que les dirigeants de l'entreprise revendent en Bourse après avoir exercé des blocs d'options.

«De manière générale, dans le cadre de la gestion de son capital, la Société, précise-t-on dans la circulaire de la direction, rachète ses actions ordinaires en vertu de l'offre publique de rachat dans le cours normal des activités principalement pour compenser l'effet dilutif de l'émission d'actions en vertu de ses régimes d'options sur actions.»

C'est ce qui explique pourquoi SNC-Lavalin rachète ses actions à n'importe quel moment de l'année, peu importe si le cours est en période de hausse ou en période de baisse.

Lors des deux dernières années, soit 2010 et 2011, les cinq hauts dirigeants ont empoché des gains de 4 millions en liquidant des blocs d'actions issus du régime d'options. À lui seul, le PDG démissionnaire Pierre Duhaime a encaissé un profit de 1,3 million. Il est suivi de Gilles Laramée (vice-président et chef des affaires financières) qui a empoché un gain de 1,25 million. Suivent ensuite Patrick Lamarre (vice-président directeur Énergie) avec un profit de 615 200$, Charles Rate (VP directeur Opérations et maintenance) avec un gain de 537 465$ et Feroz Ashrat (VP directeur Mines et métaux) avec 311 101$ de profits pour la seule année 2011.

Est-ce que la haute direction de SNC-Lavalin rend service à ses actionnaires lorsqu'elle effectue annuellement ces offres publiques de rachat d'actions dans le but de «compenser l'effet dilutif» des actions émises à ses dirigeants par l'entremise du régime d'options?

Absolument pas! La compagnie doit utiliser une partie de ses liquidités pour racheter à prix plus élevé des actions que ses dirigeants acquièrent au rabais par l'entremise des options sur actions qu'on leur avait octroyées quelques années plus tôt.

Puisées à même les profits, les liquidités utilisées au rachat des actions des dirigeants sont à jamais perdues pour l'ensemble des actionnaires de l'entreprise.

On va me dire que le rachat vise justement à éviter la dilution du capital-actions... C'est vrai, mais dans le cas de SNC-Lavalin, on se trouve à régler un problème que la compagnie a elle-même créé.

Bref, pour solutionner son faux problème, SNC-Lavalin puise dans les poches de ses actionnaires!

Pas sûr que c'est un bon placement! À la fin de mars dernier, il restait encore près de 5,2 millions d'options en circulation.

Mais comble d'iniquité envers les actionnaires: alors que le titre reculait de 15% en 2011, les hauts dirigeants de SNC-Lavalin se faisaient octroyer une augmentation de rémunération de 22%.

Et depuis le début de l'année, le scandale a fait fondre le titre d'un autre 27%!