En début de soirée lundi, alors que Geoff Molson était convaincu d'avoir trouvé son directeur général et qu'il n'attendait qu'un «oui je le veux» de Marc Bergevin pour mettre un terme à ses recherches, un vent de scepticisme soufflait dans la salle de presse du Madison Square Garden.

Attablés avant le deuxième match de la série Capitals-Rangers, des collègues du «Rest of Canada», de New York et de Washington se demandaient pourquoi diable le Canadien faisait du français un critère fondamental dans l'embauche d'un directeur général et d'un entraîneur-chef.

«Pourquoi vous acceptez de vous priver des meilleurs candidats en vous refermant sur la question de la langue?» m'a demandé Glenn Healy, analyste à la CBC. Il n'y avait rien de mesquin dans sa question. Rien de hautain. Juste un manque de connaissance de la réalité culturelle de Montréal et du Québec.

La même question est tombée en après-midi mercredi lors d'une entrevue à TSN quelques heures après la confirmation que Marc Bergevin avait coiffé au fil d'arrivée les derniers finalistes: Julien BriseBois et Pierre McGuire.

Hier, au New Jersey, avant le troisième match de la série Devils-Flyers, des collègues de Philadelphie ont lancé en guise de premières salutations: «Vous devez être contents à Montréal, vous l'avez votre directeur général francophone.»

J'ai voulu répliquer que Pierre Gauthier, même s'il se transformait souvent en fantôme, parlait français. Mais bon! Devant une remarque aussi insipide, je me suis contenté d'un «on n'attend plus que l'entraîneur-chef qui va avec» bien senti. Que voulez-vous?

Fort heureusement, ces réactions sont loin, très loin, de faire contrepoids aux commentaires positifs qui ont suivi la nomination de Marc Bergevin.

Et je ne parle pas ici des seules réactions positives à Montréal et au Québec où Bergevin est devenu la vedette de la semaine. Car, après avoir fait la une de tous les journaux, de s'être vu et entendu en continu sur tous les bulletins de nouvelles à la télé et à la radio et sur toutes les tribunes sportives et d'affaires publiques, Bergevin était l'un des invités de Guy A. Lepage lors de l'enregistrement de Tout le monde en parle hier soir. Comme quoi le bleu et le blanc se sont ajoutés au carré rouge dans l'actualité de la semaine...

Des tas d'amis et de complices

Je vous parle des réactions positives relevées aux quatre coins et racoins de la LNH où l'on a salué avec enthousiasme la nomination de Bergevin.

Des coins et des racoins où le nouveau DG du Canadien compte au moins un, et sans doute beaucoup plus d'amis fidèles.

Ce critère, autant que ses années de service dans la LNH comme joueur, dépisteur, entraîneur adjoint, responsable du développement des jeunes et directeur général adjoint ont certainement joué en sa faveur dans le processus d'embauche.

C'est toutefois demain et dans les mois à venir que tous ces contacts, tous ces amis serviront la cause de Marc Bergevin, du Canadien et de ses partisans.

Quand Bergevin jonglera avec les incertitudes reliées à une décision difficile, il pourra prendre le téléphone et appeler notamment Mario Lemieux, Luc Robitaille, Pat Brisson, Dale Tallon et Rick Dudley, ses deux mentors chez les Hawks. Il pourra aussi compter sur l'opinion éclairée de dizaines, voire des centaines d'anciens coéquipiers qui ont gardé des liens ou de bons souvenirs de leurs années passées en sa compagnie.

Bien sûr, tous ces amis du quotidien sont parfois des ennemis dans la vie professionnelle. Mais vous l'avez vu comme moi depuis le moment où il a pris la parole à titre de directeur général du Canadien, Marc Bergevin carbure aux émotions, aux relations humaines et à la communication. Personne ne lui fera de cadeau, je le sais bien. À titre d'exemple, Glen Sather et les Rangers ne lui redonneraient pas Ryan McDonagh en retour de Scott Gomez. Bien sûr que non. Mais personne ne lui refusera un conseil d'ami.

Jim Nill s'est désisté

Si le Canadien s'était vraiment privé d'un candidat de premier plan unilingue anglophone en favorisant Bergevin, on pourrait comprendre le scepticisme et les commentaires désobligeants de nos amis anglos. À certains égards, ce serait même justifié.

Mais quand on regarde la liste initiale des candidats qui intéressaient le Canadien, seul Jim Nill, le rusé et expérimenté adjoint de Ken Holland à la tête des Red Wings de Detroit avait des compétences supérieures à celles de Bergevin.

Jim Nill n'a pas été écarté parce qu'il ne dit et ne comprend pas un mot de français. De fait, Jim Nill n'a pas été écarté du tout. C'est lui qui s'est désisté pour des raisons familiales. On ne peut donc rien reprocher sur ce point au Canadien.

Une fois Nill écarté, Bergevin n'avait rien à envier à tous les autres candidats unilingues anglophones qui, comme lui, occupaient des postes d'adjoints au directeur général quelque part dans la LNH. Des postes qu'ils occupent toujours.

Si Marc Bergevin a fait le saut et qu'il assume depuis mercredi la direction générale du Canadien de Montréal, ce n'est donc pas uniquement parce qu'il parle français. Mais bien plus simplement parce qu'il était le meilleur candidat encore debout. «That's it, that's all!»

Photo: Reuters

Geoff Molson (à droite) était convaincu d'avoir trouvé son directeur général et n'attendait qu'un «oui je le veux» de Marc Bergevin (à gauche) pour mettre un terme à ses recherches.