En quatre décennies, le nombre de victimes de la route a diminué de façon spectaculaire au Québec, y compris chez les jeunes. Dans les années 70, c'était un véritable carnage: 2209 morts en 1973... Or, la route n'a fait «que» 479 victimes en 2011, apprend-on, même si le nombre de véhicules immatriculés a doublé.

Certes, les jeunes de 16 à 24 ans demeurent surreprésentés dans ces colonnes de chiffres.

Ils constituent 10% de l'ensemble des conducteurs, mais sont impliqués dans 24% des accidents qui font des morts et/ou des blessés. Tout de même: depuis 1980, le nombre de jeunes impliqués en tant que conducteurs dans des accidents mortels est passé de 745 à 151.

C'est presque miraculeux.

Est-ce à dire que Dérapages, le documentaire de Paul Arcand qui prend l'affiche dans deux jours, est désormais inutile? Non. Il nous confronte en effet à une réalité assez troublante: il existe chez les jeunes un carré d'irréductibles drogués à la vitesse et au risque, insensibles aux campagnes de prévention, que même la mort de proches dans des accidents stupides n'ébranle pas. Tintamarre des discothèques et des jeux vidéo. Alcool et drogues. Testostérone et machisme. Nuits blanches et bolides modifiés. Projet X et Rapides et dangereux - des films-culte tournés à la gloire de toutes les sortes d'excès.

À la gloire de la vie extrême, en somme.

Ces jeunes-là ne représentent pas la totalité des 16-24 ans, bien sûr. Mais ce sont eux qu'on retrouve dans les statistiques. Et ils ne craignent qu'une seule chose: ne plus avoir accès à un volant.

Il s'agit du message numéro un de Dérapages, que certains des jeunes qu'on y voit émettent spontanément: rien ne donne une leçon aussi forte qu'une longue suspension du permis de conduire. Et, par extension, aucun apprentissage n'est plus efficace que l'accès graduel au droit plein et entier d'utiliser la voiture, encadré par les parents et/ou par l'État.

Le Québec a mis en place des mesures allant en ce sens (permis probatoire, zéro tolérance en matière d'alcool, etc.), mais d'autres pays vont plus loin encore.

Après avoir vu ces 94 minutes d'images affolantes, on a tendance à prêter foi à ce type de solutions.

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Un mot sur Paul Arcand, qui en est à son troisième documentaire, après Les Voleurs d'enfance et Québec sur ordonnance.

Il a développé une approche documentaire unique. Dans le choix de ses sujets, d'abord, collés au réel, à l'immédiat, à la «rue» - c'est le cas de le dire! Dans son style, ensuite, qui est à l'opposé de celui du pamphlétaire à succès Michael Moore, bouffon, biaisé, narcissique et donc universellement copié par quiconque met la main sur un kodak...

Construisant ses films, Arcand demeure lui-même, le journaliste curieux, futé, effacé devant la matière qu'il traite, effronté sans jamais verser dans la grossièreté, que la radio fait apprécier chaque matin.