Évidemment, tout honnête contribuable est en faveur de la lutte contre l'évasion fiscale. Mais est-il nécessaire que Revenu Québec dépense 1,3 million de dollars en publicité pour se péter les bretelles sur la place publique pour qu'on devienne ses collaborateurs? Non.

Ce n'est que de la poudre aux yeux, cette «campagne de sensibilisation» sur l'importance de la lutte contre l'évasion fiscale.

«L'objectif est de sensibiliser la population au fait que, collectivement, plus de 3,5 milliards de dollars nous échappent chaque année», précise Revenu Québec.

«C'est autant d'argent qui n'est pas investi dans le financement des services publics et qui oblige chaque citoyen à assumer une part plus élevée du fardeau fiscal», ajoute-t-on sur un ton moralisateur.

Question simpliste: si Revenu Québec est capable de chiffrer à 3,5 milliards les impôts et taxes impayés, cela suppose qu'il sait précisément où se cachent les fraudeurs. S'il le sait, pourquoi clame-t-il sur toutes les tribunes qu'il part à leur poursuite? Il me semble que ce serait plus efficace de se la boucler et de se contenter d'agir secrètement!

À vrai dire, le chiffre de 3,5 milliards d'évasion fiscale n'est qu'une hypothèse de travail. Ça pourrait être 1 milliard comme 5 milliards. Revenu Québec nous lance son gros chiffre dans le strict but de nous inviter à collaborer avec son armée d'inquisiteurs dans le cadre d'une vaste partie de chasse aux fraudeurs.

Lisez attentivement cette déclaration de Jean St-Gelais, président-directeur général de Revenu Québec: «Revenu Québec agit dans l'intérêt de tous, et le citoyen fait partie de la solution pour recouvrer les sommes qui échappent à l'État. C'est pourquoi il (le citoyen) doit poser des actions qui permettent de lutter contre l'évasion fiscale, comme demander une facture, ou payer par chèque ou par carte de crédit. De notre côté, à Revenu Québec, nous nous engageons à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour lutter contre l'évasion fiscale et à offrir des services de qualité, accessibles et conviviaux pour favoriser le respect volontaire des obligations fiscales.»

Pourquoi exiger une facture? Pour s'assurer que le citoyen paye les taxes de vente de la TVQ et de la TPS et que le fournisseur de service ou de produits les reverse au fisc...

Pourquoi payer par chèque ou carte de crédit? Pour les mêmes raisons.

Maintenant, quand Revenu Québec parle de ses services en termes «accessibles et conviviaux pour favoriser le respect volontaire des obligations fiscales», je mettrais un bémol lorsque notre dossier passe du côté de la Direction du contrôle fiscal.

Dans ma chronique de lundi dernier «La maudite lettre du fisc», je soulignais que 11 636 particuliers avaient fait l'objet ces dernières années d'une inquisition fiscale sous prétexte que leur train de vie (selon un indice de richesse) ne correspondait pas aux revenus déclarés!

Dans le cadre d'une sévère révision de dossier, ces contribuables ont dû fournir mille et un renseignements sur leurs finances personnelles, tout en dépensant des sommes relativement importantes pour répondre aux exigences des enquêteurs du fisc québécois.

Fait à noter: Revenu Québec nous a confirmé que seulement la moitié de ces 11 636 contribuables pourchassés par la Direction du contrôle fiscal ont finalement reçu un avis de re...cotisation.

Les défenseurs de Revenu Québec applaudiront de voir ainsi le fisc atteindre un taux de réussite de 50% avec cette chasse aux cachetiers.

Pour ma part, je trouve que le taux d'échec de 50% démontre à sa face même à quel point la méthode de l'indice de richesse (où Revenu Québec compare vos déclarations de revenu avec votre train de vie) amène le fisc à abuser de sa position de force.

Revenons à la campagne de promotion de l'image de Revenu Québec.

Deux messages télévisuels tenteront de nous convaincre qu'on a un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre l'évasion fiscale, en tant que clients ou en tant que fournisseurs de biens et de services. Une stratégie Web sera également déployée au mois de mai.

Revenu Québec se vante d'être «en voie d'atteindre la cible de récupération fiscale additionnelle prévue pour cette année» dans le Plan de retour à l'équilibre budgétaire. Et il entend être encore plus efficace dans ses actions de lutte contre le travail au noir et l'évasion fiscale. Pour ce faire, du personnel supplémentaire a été engagé pour intensifier les contrôles fiscaux.

Oui à la lutte ciblée contre l'évasion fiscale. D'ailleurs, plusieurs actions ont été mises en oeuvre dans les classiques secteurs de la construction, de la restauration, du tabac...

Non à l'inquisition fiscale de masse!

Pour joindre notre chroniqueur: michel.girard@lapresse.ca