De toutes les entreprises cotées en Bourse dont elle détient des blocs d'actions, la Caisse de dépôt et placement du Québec continue de faire l'éloge de SNC-Lavalin pour expliquer son «processus rigoureux» d'investissement. Pas sûr que ce soit une bonne idée en cette période tumultueuse pour le «fleuron mondial» de l'ingénierie et de la construction et «partenaire de longue date» de la Caisse.

C'est sous le titre «Investir dans les entreprises cotées, de l'analyse à l'action» que la Caisse, sur son site internet, continue de vanter son énorme placement dans SNC-Lavalin, et ce, malgré le scandale libyen qui hante l'entreprise depuis plusieurs trimestres.

Le 31 décembre 2010, la Caisse détenait un bloc de 5,35 millions d'actions de SNC-Lavalin, pour une valeur totale de 320 millions de dollars. Comme elle n'a pas encore déposé son rapport annuel de 2011, on ne connaît pas sa nouvelle position dans la multinationale.

Mais... «aujourd'hui, affirme-t-elle sur son site, la Caisse est le deuxième plus gros actionnaire de SNC-Lavalin, avec près de 4% des actions».

«Un investissement comme celui dans SNC-Lavalin, explique la Caisse, est un travail d'équipe qui requiert une analyse attentive et une expertise approfondie. À titre de partenaire à long terme, la Caisse établit une relation de confiance avec les entreprises dans lesquelles elle investit et obtient ainsi leur collaboration, ce qui lui permet d'exercer son mandat de façon professionnelle et rigoureuse.»

Je ne comprends pas que la Caisse puisse continuer de faire l'apologie de ce placement sur son site web alors que l'entreprise fait l'objet d'un immense questionnement sur ses pratiques d'affaires.

Que Groupe SNC-Lavalin ait mis les pieds dans le plat à cause de ses étroites relations d'affaires avec le régime de l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi, ça ne semble aucunement déranger les dirigeants de la Caisse. Et dire que deux vice-présidents de l'entreprise ont récemment perdu leur job à cause de cette nébuleuse affaire.

Que SNC-Lavalin ait annoncé mardi dernier le report de ses résultats financiers du quatrième trimestre et, surtout, le déclenchement d'une enquête interne concernant des charges-surprises de 35 millions pour des paiements effectués sur des projets de construction auxquels ils ne se rapportaient pas... cela aussi ne semble aucunement inquiéter la direction de la Caisse.

Que l'entreprise déclare «une perte d'environ 23 millions découlant d'une révision de l'exposition financière nette de la Société relativement à ses projets en Libye», il faut croire qu'il n'y a rien là pour la Caisse.

Il me semble que la magistrale débandade de SNC-Lavalin en Bourse exigerait une certaine retenue de la part de la Caisse par rapport à la promotion de SNC-Lavalin sur son site internet. Du moins aussi longtemps qu'on ne connaîtra pas les dessous de l'affaire libyenne et les conclusions de l'enquête interne sur les nébuleuses charges financières de 35 millions.

Petit rappel boursier de circonstance. En Bourse, Groupe SNC-Lavalin nous en fait voir de toutes les couleurs depuis trois semaines. Entre les 9 et 29 février, le cours de la multinationale est passé de 53,55$ à un creux de 36,56$, pour une magistrale déconfiture de 32%. Le titre s'est redressé de quelques dollars par la suite, pour fermer vendredi autour de 40$.

En tenant pour acquis que le bloc de la Caisse est demeuré inchangé, la valeur de son investissement dans SNC-Lavalin serait ainsi passée de 320 millions à 215 millions, soit 115 millions de moins qu'il y a un an.

Autre raison pour la Caisse de se garder une petite gêne devant SNC-Lavalin: une requête pour obtenir l'autorisation d'exercer un recours collectif contre la multinationale et certains de ses dirigeants et administrateurs a été déposée vendredi en Cour supérieure. Le dédommagement réclamé par le groupe de boursicoteurs du recours collectif s'élève à 250 millions de dollars.

La période boursière visée par la demande de recours collectif va du 13 mars 2009 au 28 février 2012.

Au nombre des allégations mentionnées dans la demande de recours collectif, le cabinet d'avocats Siskinds Desmeules parle de présumées activités illicites en Libye, d'informations et de représentations inexactes ou trompeuses.