Un rendement de 4%, en temps normal, ce n'est pas de quoi écrire à sa mère. Mais il n'y avait rien de normal en 2011.

L'Europe au bord de l'éclatement. Les États-Unis paralysés par leurs déchirements politiques. Des taux d'intérêt au sous-sol. Des agences de notation de crédit qui font la pluie et le beau temps. Des marchés boursiers pris de convulsions.

La Caisse a réussi à tirer son épingle du jeu. Pour la deuxième année consécutive, elle se retrouve parmi les premiers de classe. Avec un rendement supérieur à 3,5%, la Caisse se situe dans le premier quartile des caisses de retraite canadiennes avec un actif supérieur à 1 milliard de dollars, selon RBC Dexia.

«C'est une chose de faire de l'argent quand les marchés sont bons. Mais le vrai test, c'est de réussir à protéger notre capital et à faire des rendements raisonnables quand les marchés sont mauvais», a dit Michael Sabia, président et chef de la direction de la Caisse.

Cette performance honorable cache cependant des résultats très inégaux dans les différentes catégories d'actif. Et cela se répercute, par ricochet, chez les déposants qui ont privilégié certains placements au détriment d'autres.

Les gestionnaires de la Caisse ont brillé dans la dette immobilière, les infrastructures et, dans une moindre mesure, les obligations, le poids lourd de son portefeuille avec plus du quart de son actif net de 159 milliards de dollars au 31 décembre. En revanche, ils ont connu une contre-performance avec leurs immeubles. Et ils se sont cassé le nez avec leurs actions.

Les gestionnaires d'actions canadiennes se promènent avec un sac de papier brun sur la tête. Cet important portefeuille d'actions a fondu de 10,6% comparativement à un recul de 8,2% pour l'indice boursier de référence, un écart - considérable en placement - de 240 points centésimaux.

«Clairement, nous sommes déçus», a dit Roland Lescure, premier vice-président et chef des placements. La Caisse n'avait pas fait le plein d'actions à dividendes élevés, les titres-vedettes de 2011.

En fait, tous les portefeuilles d'actions que la Caisse gère de façon active ont moins bien fait que les indices de référence auxquels ils sont comparés. Autrement dit, la Caisse aurait mieux fait l'an dernier si elle avait renvoyé ses gestionnaires d'actions et fait appel à des robots pour calquer les indices.

Pour autant, Michael Sabia ne compte pas s'en remettre complètement à une gestion indicielle des actions. Tout comme il ne se formalise pas du fait que la Caisse ait moins bien fait, dans l'ensemble, que les indices auxquels ses actifs sont comparés, soit 4% comparativement à 4,2% pour l'indice de référence global.

«Vu la volatilité intense sur les marchés, nous avons délibérément choisi de laisser de l'argent sur la ligne de touche, parce que nous ne pensions pas que c'était un moment approprié pour investir davantage», a dit Michael Sabia.

Cela se défend. La Caisse a joué et joue de prudence, avec des liquidités qui ont atteint 45 milliards à la fin de 2011. Le poids des actions dans son portefeuille a même reculé à 30% à la fin de septembre avant de remonter à 36% en fin d'année.

«En 2012, on va continuer à jouer tantôt défensif, tantôt offensif», a dit Michael Sabia. C'est la valse-hésitation des marchés hautement émotifs, le cha-cha-cha de l'investissement postcrise financière. Mais disons qu'il va falloir se déhancher comme sur ce hit du chanteur belge Stromae, Alors on danse, que Radio-Canada s'est fait un malin plaisir de mettre dans la tête des Montréalais cette semaine, pour que la Caisse puisse oublier tous ses problèmes.

La préservation du capital dans un environnement incertain, aussi louable soit-elle, ne règle pas le problème de sous-performance de la Caisse à plus long terme. Avec un actif net de 159 milliards de dollars, cette institution vient seulement de retrouver son niveau de 2007.

«Il est peut-être temps pour nous tous de tourner la page sur ce triste chapitre de la Caisse et de se tourner vers l'avenir», a dit Michael Sabia.

C'est facile à dire pour un dirigeant nouvellement arrivé, mais c'est impossible à admettre pour un déposant de la Caisse de longue date.

Le rendement de la Caisse sur cinq ans, qui ne figurait d'ailleurs pas dans les documents remis hier, est de 0,6%. Navrant. Sur 10 ans, le rendement de la Caisse atteint 4,7%. C'est encore éloigné du rendement annuel moyen de 6,5% que la Caisse doit atteindre afin que ses déposants puissent faire face à leurs obligations.

La nouvelle stratégie d'investissement de la Caisse priorise les pays émergents et les placements moins liquides (immeubles, placements privés, infrastructures), entre autres. À moins que cette stratégie se révèle extraordinairement payante, cela annonce des choix douloureux pour les déposants de la Caisse.

***

Il n'y a pas que les marchés boursiers qui sont indécis. Il y a la propriété de la bourse canadienne elle-même. Sur ce point, toutefois, le grand patron de la Caisse s'est montré optimiste quant à l'approbation, par les autorités réglementaires, de la vente du groupe TMX au consortium Maple, dont la Caisse fait partie.

Michael Sabia fonde son opinion sur ses impressions et les échanges continus entre les dirigeants de Maple et les autorités de la concurrence.

«Si cela ne passe pas, qu'arrivera-t-il?», a-t-il demandé. Michael Sabia dit craindre une mainmise sur le groupe TMX par un opérateur boursier étranger.

Si tant est que les grandes fusions boursières reviennent à la mode, ce qui n'est pas dit, rien n'empêcherait un groupe boursier de rappliquer et d'acheter Maple et ses filiales. Feuille d'érable ou pas, les institutions financières membres de ce consortium sauraient difficilement résister à une grosse prime.