Dans le débat public, 1% est devenu un chiffre magique, le cri de ralliement des indignés de Wall Street. Il décrivait le petit groupe de privilégiés qui s'enrichissent, ne paient pas d'impôt et qui, prétendait-on, nous dirigeaient derrière des portes closes.

Amir Khadir en a remis la semaine dernière, en disant que «notre adversaire, c'est le 1%, la classe économique dominante».

Le problème c'est que nos militants de gauche, le député de Québec solidaire en tête, sont involontairement victimes de l'hégémonie culturelle américaine. Quand ils brandissent ce fameux 1%, ils calquent servilement un débat américain qui ne s'applique pas vraiment ici.

Il y a une chose qui est vraie. On assiste, depuis 20 ans, à un accroissement des écarts entre les riches et les pauvres au Canada. Il s'explique par le fait que si les revenus au bas de l'échelle ont augmenté modestement, ils ont bondi pour les 1% supérieurs, et encore plus pour les super-riches, le 0,1%.

C'est donc un phénomène moins grave qu'aux États-Unis. Nos pauvres ne se sont pas appauvris. Et notre classe moyenne n'est pas en train de fondre. Mais le problème est assez sérieux pour que le Canada commence à ressembler à un pays anglo-saxon plutôt qu'à un pays d'Europe du Nord.

Cet élargissement des écarts de revenus ne s'explique pas vraiment par la fiscalité. Comme aux États-Unis où les aberrations du système fiscal ont poussé le président Barack Obama, dans son adresse à la nation de mardi dernier, à promettre que ceux qui gagnent plus de 1 million par année paieront au moins 30% de leurs revenus en impôt. Une attaque à peine voilée contre le prétendant républicain Mitt Romney, qui, malgré ses millions, est imposé à un taux de 15%, deux fois moins que sa secrétaire.

Ici, les riches paient des impôts. Regardons ce qui arrive à notre 1%. Au Québec, il s'agit d'environ 60 000 contribuables: 12 000 dont les revenus se situent entre 175 000$ et 200 000$, 19 000 entre 200 000$ et 250 000$, et 29 000 qui déclarent plus que 250 000$, dont le revenu moyen est de 475 000$.

On voit, en partant, que la plupart de nos riches ne sont pas très riches, la majeure partie d'entre eux sont des médecins, des professionnels, des cadres du public ou du privé, plutôt que de richissimes oligarques. Pour le pouvoir occulte, on repassera.

Est-ce qu'ils paient leur part d'impôt? Ceux dont le revenu est supérieur à 200 000$ comptent pour 0,79% des contribuables. En 2008, ils déclaraient 8% des revenus totaux et ils payaient 17,27% des impôts. Il y a là un élément de progressivité. Le taux moyen d'imposition était de 15,96% pour les 200 000$ - 250 000$, et de 17,6% pour les 250 000$ et plus. À cela, il faut ajouter ce qu'ils paient au fédéral, ce qui donne un taux d'imposition d'environ 35%.

Est-ce que ce pourrait être plus? Il y a du jeu. Notamment au Québec, qui ne compte que trois niveaux d'imposition. Au Canada, il y a un quatrième taux, de 29%, qui frappe les revenus supérieurs à 132 000$. C'est ce que le Québec pourrait faire, parce qu'en période de crise, il est normal de solliciter ceux qui en ont les moyens.

Mais cela ne changera pas grand-chose à la répartition des revenus parce que nos riches ne sont pas assez riches. Les quelques centaines de millions qu'on pourrait aller chercher ne donneront que quelques dollars par semaine quand on les aura distribués à ceux qui sont au bas de l'échelle. La réduction des écarts des revenus ne peut pas reposer sur une opération mécanique, mais sur des politiques qui s'attaqueront aux racines de la pauvreté, à commencer par l'éducation.