Leurs usines tournent, les exportations augmentent. Les fabricants américains, dont la production a atteint un sommet en 25 ans, ont trouvé leur salut chez les pays émergents.

La crise financière en Europe? Chez Caterpillar, General Electric et de nombreux fabricants américains, on est trop occupés ces jours-ci pour s'y attarder vraiment.

En fait, les géants américains ne partagent pas les mêmes angoisses que leurs clients européens. Même si ces derniers s'approvisionnent moins qu'avant aux États-Unis, America inc. a déniché d'autres acheteurs.

Les exportations - principal moteur de la reprise américaine - ont augmenté de 28% depuis la fin officielle de la récession, en juin 2009. Les ventes à l'étranger ont ainsi contribué à près de la moitié de la croissance de l'économie durant ce temps, soit 1,12% sur une progression totale de 2,4%.

Et l'Europe n'a pas beaucoup aidé.

La part du marché européen, sur l'ensemble des exportations de biens fabriqués aux États-Unis, a même fondu à 14% (fin septembre). Cela se compare à un sommet de 19% au début des années 90, selon une étude de la firme new-yorkaise AllianceBerstein LP.

Les Américains sont donc en voie de réussir un tour de force, soit de s'accrocher à la croissance des économies émergentes, comme la Chine et l'Inde.

Vendredi, on a appris que les ventes américaines à la Chine et à l'Amérique latine ont atteint des records en octobre, malgré une petite baisse de l'ensemble des exportations due surtout à une diminution des livraisons d'or. Les ventes de marchandises aux pays émergents sont néanmoins en hausse d'environ 20% pour la période d'un an. Cela se compare à une augmentation de 14% des exportations aux pays de l'euro, donc surtout à l'Allemagne, le seul qui résiste à la crise européenne jusqu'ici.

Le monde change

Le terrain de jeu des John Deere, Apple et Monsanto a donc beaucoup changé et en peu de temps: les économies en forte croissance achètent aujourd'hui 55% des exportations américaines comparativement à environ 40% au début des années 2000, a calculé AllianceBernstein pour l'agence Bloomberg.

Signe des temps, le premier constructeur mondial d'engins de chantier, l'américain Caterpillar, a vu ses ventes mondiales bondir de 31% sur un an et il vient de relever ses prévisions pour l'année en cours.

Si bien que les marchés émergents sont devenus une police d'assurance pour l'économie américaine.

Ainsi, une éventuelle aggravation de la crise européenne, qui entraînerait une chute de 10% des exportations américaines vers le Vieux Continent, ne retrancherait que 0,2% à la croissance économique des États-Unis, a calculé la banque suisse UBS. Le monde change et les Américains l'ont compris.

Le président Barack Obama a fait de l'exportation le coeur de sa stratégie pour relancer l'emploi dans son pays.

À ce chapitre, l'embellie se fait attendre même si le marché du travail s'améliore peu à peu. M. Obama s'est donné pour objectif de doubler les exportations américaines d'ici 2015. Et tout indique qu'il est en voie d'atteindre son but.

Historiquement, les Américains ont pourtant été de piètres exportateurs. Ceux-ci vendent proportionnellement deux fois moins de produits à l'étranger que la plupart des pays industrialisés, dont le Canada, selon la National Association of Manufacturers. Jusqu'à récemment, America inc. se fiait surtout au marché domestique pour s'enrichir.

Or, avec des consommateurs toujours ébranlés par la crise financière 2008-2009 et l'effondrement du marché immobilier, les fabricants américains ont changé leur fusil d'épaule, dit l'analyste Jim Paulsen, de Wells Capital Management, dans une note financière.

«Il y a une chose derrière le regain des exportations [américaines]: des consommateurs de plus en plus nombreux dans les pays émergents».

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Outre le made in the USA, les pays émergents sont friands d'un autre bien américain ces temps-ci: les visas. Les ambassades américaines en Chine et au Brésil sont littéralement débordées par les demandes de visas pour de courts séjours, avec des hausses de 35% et 44% respectivement depuis un an, selon les autorités de l'Immigration.

Washington, qui a dû accroître ses effectifs pour répondre à la demande, attribue cet engouement à l'enrichissement des citoyens de ces pays qui veulent visiter les États-Unis et y investir.

On prévoit même doubler, d'ici 2013, l'émission de visas pour les demandeurs de Chine et du Brésil. Dans certains coins du monde, le rêve américain est encore alive and well.