À la haute direction d'Orbite Aluminae, on sait comment promouvoir une bonne nouvelle.

À preuve, le dévoilement, mardi matin dernier (29 novembre), d'une «évaluation économique préliminaire favorable» pour son projet d'usine d'alumine métallurgique dans la région gaspésienne. Une usine qui aura, ajoute-t-on, la capacité d'extraire des oxydes de grande valeur, des métaux rares et de terres rares à valeurs ajoutées.

Le clou de la nouvelle: «Les données économiques portent la VAN (valeur actuelle nette) du projet à 7,7 milliards avec un TRI (taux de rentabilité interne) de 114% et un retour sur l'investissement inférieur à un an.»

Pour donner de la visibilité à son annonce de mardi dernier et ainsi attirer l'attention des médias et des investisseurs, la direction d'Orbite avait envoyé le vendredi précédent (25 novembre, à la fermeture des marchés), un communiqué annonçant qu'Orbite «s'apprête à annoncer les résultats d'une évaluation économique préliminaire pour son usine d'alumine métallurgique...»

Dans ce communiqué, on précisait que l'évaluation allait être dévoilée le mardi matin 29 novembre et que l'entreprise allait tenir une conférence téléphonique webdiffusée à 10h30. Une conférence au cours de laquelle «les membres de la haute direction discuteront des résultats» de ladite évaluation.

Ce communiqué du 25 novembre annonçant la... future annonce n'est pas passé inaperçu. Le titre allait s'emballer à l'ouverture le lundi matin (28 novembre), pour finalement boucler la séance en hausse de 43 cents ("17%), à 2,95$. Sur fort volume (4 millions), Orbite touchait en cours de séance 3,01$.

Mardi matin, jour J du dévoilement de l'étude, un imprévu survient. Sitôt les résultats de l'étude dévoilés, et la Bourse ouverte, le titre grimpe de 10%... Mais il est rapidement suspendu à la demande de l'OCRCVM (Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières). Toutes les transactions sont annulées. Le titre restera suspendu toute la journée, en attente des clarifications demandées à la direction d'Orbite sur les renseignements transmis dans le communiqué sur l'évaluation favorable.

Les transactions sur le titre d'Orbite ont repris mercredi matin. Et dès l'ouverture, le titre a bondi à 3,81$, en hausse de 29% par rapport à la fermeture du précédent lundi. Les investisseurs du début de la séance ont dû déchanter tout au long de la journée alors que le titre allait finalement terminer à seulement 3,12$.

Le lendemain, jeudi, Orbite a continué de se dégonfler, et ce malgré les attrayants prix cibles indiqués dans les emballantes recommandations d'achat formulées par les analystes de quatre firmes de courtage: Jennings Capital (prix cible: 11,50$), M Partners (cible: 13,50$), Jacob Securites (12,20$), Mackie Research Capital (9,00$).

De la méfiance?

Comment expliquer que le titre d'Orbite n'ait pu maintenir ses gains à la suite d'une annonce soi-disant si prometteuse pour l'avenir de la compagnie et de si fortes recommandations d'achat de la part des firmes de courtage qui suivent le titre?

J'y vois une explication: ça sent la méfiance des investisseurs envers la haute direction d'Orbite et envers les recommandations d'achat.

En septembre dernier, Orbite finalisait une émission de 57,5 millions de dollars, par l'entremise de deux preneurs fermes, les firmes de courtage Mackie Research Capital et M. Partners. Selon le prospectus, ces dernières recevaient une rémunération de 3,7 millions, en plus de 1 million d'options leur conférant le droit d'acquérir une action à 3,20$, plus un demi-bon de souscription.

Faut-il se surprendre que des investisseurs mettent un bémol sur des recommandations formulées par des firmes impliquées dans un récent financement public!

Revenons maintenant à la haute direction.

Le 18 octobre dernier, à peine un mois et demi avant le dévoilement, la semaine dernière, de l'évaluation économique de 7,7 milliards pour le projet d'usine d'alumine métallurgique, le conseil d'administration d'Orbite a octroyé à ses hauts dirigeants une tonne d'options leur permettant d'acquérir des actions de l'entreprise à un prix de levée de 2,66$.

Richard Boudreault, le président et chef de la direction, a reçu 1 million d'options.

Ses collègues de la haute direction s'en sont fait octroyer des centaines de milliers, soit un bloc de 200 000 options à Jacques Bédard; un bloc de 350 000 à Yves Noël, un de 175 000 options à Denis Primeau, et un dernier de 100 000 options à Joël Fournier.

Pour sa part, le président du conseil d'administration, Lionel Léveillé, a reçu 193 750 options. Ses collègues administrateurs ont profité eux aussi de la manne d'Orbite: Stéphane Bertand (108 750 options), Charles Chevrette (112 500), Tobey Gilsig (96 250), Pierre B. Meunier (158 250) et Christian L. Van Houtte (107 500).

Pas sûr que ce soit une bonne idée d'octroyer de généreux blocs d'options lorsqu'on s'apprête à dévoiler des nouvelles majeures pour l'avenir d'une entreprise. Ça rend les investisseurs méfiants, à tort ou à raison. Seul l'avenir le dira.

Prenons le bloc de 1 million d'options accordées au grand patron Richard Boudreault. Mercredi matin dernier, à l'ouverture, ce bloc valait momentanément sur papier 1,1 million de dollars, grâce à la bonne nouvelle d'Orbite. C'est beaucoup d'argent en un mois! Même chose pour toute la haute direction et les administrateurs d'Orbite.

Mais l'emballement pour le projet s'est rapidement estompé et Orbite est revenue sur terre. Et les dirigeants et administrateurs ont vu la valeur de leurs nouvelles options fondre à la vitesse de l'éclair. Pour le moment, s'entend!