Il y a quelques jours à peine, à Cannes, l'inénarrable Silvio Berlusconi a assuré à ses collègues du G20 que la crise italienne n'était qu'une «mode passagère». La preuve que tout allait bien dans son pays, c'est que les restaurants y étaient toujours pleins...

Eh bien, les restaurants ont dû se vider brutalement en Italie cette semaine, puisque le même Silvio Berlusconi vient de promettre de quitter son poste pour faire passer son budget d'austérité et éviter ainsi la débâcle financière vers laquelle son pays fonce à la vitesse grand V.

Ne faites pas sauter trop vite le bouchon de votre Asti Spumante: le politicien qui occupe les devants de la scène politique italienne depuis près de deux décennies n'a pas encore fait ses valises. Les mesures d'austérité doivent encore être avalisées. Et le cas échéant, Silvio Berlusconi doit encore honorer sa promesse, ce qu'il n'a pas toujours fait par le passé.

«Je croirai qu'il est parti quand ce sera fait», résume Cristina Perissinotto, professeure au département d'études italiennes à l'Université d'Ottawa.

Cette spécialiste n'est qu'à moitié rassurée par la perspective d'une éventuelle démission de ce politicien adepte du «bunga bunga» et d'autres pitreries sexuelles. «Une fois Berlusconi parti, encore faut-il savoir qui va le remplacer», fait-elle valoir. Son successeur sera-t-il un allié dont il tirera les ficelles dans les coulisses? Ou pire: en cas d'élections, Berlusconi irait-il jusqu'à oser tenter un ultime retour politique? Lui qui s'est déjà comparé à Jésus-Christ n'en serait pas à sa première résurrection.

Ces réserves étant faites, il s'est quand même passé quelque chose à Rome, hier. Pour la première fois, Silvio Berlusconi a perdu un vote parlementaire. Lui qui avait survécu, il y a 11 mois, à un vote de confiance par trois petites voix s'est retrouvé en déficit de huit votes. Plus significatif: il a perdu l'appui de son allié d'extrême droite, Umberto Bossi. Ce qui l'a amené à évoquer, pour la première fois, son départ. Ce n'est pas rien.

«Cet érotomane, lifté, maquillé, qui détient tous les pouvoirs sur la télévision et la presse», comme le décrit un personnage du film Tous les soleils, a fait son temps, et son départ permettrait à l'Italie de tourner la page sur un épisode burlesque de son histoire.

Mais ce départ ne réglera pas tout, non plus, d'un coup de baguette magique. Troisième économie d'Europe, l'Italie vit une crise majeure. Sa dette est la deuxième en importance de tous les pays de la zone euro, tout juste après celle de la Grèce. Ses créanciers lui imposent des taux d'intérêt de plus en plus élevés, au point qu'elle risque de se retrouver en défaut de paiement. Ce qui pourrait causer des vagues planétaires, bien plus que celles provoquées par la crise grecque.

L'éventuelle adoption d'un budget d'austérité ne sortira pas l'Italie de la dèche du jour au lendemain. Si le gouvernement tombe et que le pays se retrouve en campagne électorale, il ne se passera rien avant des mois. Et si un gouvernement de transition est nommé pour mettre l'Italie au régime minceur, encore faut-il être sûr que ce régime lui sera vraiment salutaire.

«Est-ce que ce sont vraiment les réformes dont l'Italie a besoin?», demande l'anthropologue Mariella Pandolfi, de l'Université de Montréal. Elle se demande aussi si ces réformes, une fois adoptées, ne feront pas «exploser les rapports sociaux» en Italie. Autrement dit, si la population les acceptera sans se révolter.

Bref, que Berlusconi parte, bon débarras. Mais, le cas échéant, l'avenir de l'Italie n'en serait pas moins tapissé de points d'interrogation.