Le sommet du G20, qui s'est déroulé jeudi et vendredi à Cannes, a déçu. On a reproché aux leaders des grands pays industrialisés et des économies émergentes de ne pas avoir réussi à restaurer une confiance fortement ébranlée par la crise de l'euro et par la perspective d'un ralentissement de l'économie mondiale.

Le sommet a déçu parce que les espoirs que l'on plaçait dans cet exercice étaient irréalistes. Cette déception illustre aussi, à mon humble avis, à quel point notre perception de la réalité est influencée par les façons de voir les choses des marchés financiers, avec leur culture de l'immédiat et leur rêve de solutions faciles.

Ces sommets, on l'a vu depuis des années avec le G8, sont des forums d'échanges, pas des lieux de décision. J'ai du mal à comprendre comment on pouvait s'attendre à ce que le G20, une créature nouvelle, très hétérogène - avec la Chine, le Brésil, la Russie, les États-Unis et tous les autres -, puisse devenir rapidement un mécanisme de gouvernance mondiale. Le G20 ne pouvait pas faire de miracles. Il pouvait, au mieux, contribuer à faire des pas dans la bonne direction.

Mais surtout, les évènements qui ébranlent la confiance, la quasi-faillite grecque et la crise de l'euro, mais aussi l'incapacité de l'économie américaine de décoller, qui contribue largement au ralentissement de la croissance, sont la résultante de problèmes qui se manifestent depuis des années, et qui prendront des années avant d'être résolus. Pas pendant les 24 heures d'un sommet.

Et si les leaders du G20 avaient fait des gestes qui auraient restauré la confiance des marchés, ces succès auraient, par définition, été éphémères, parce qu'ils plaqueraient une logique de l'immédiat à des réalités qui s'inscrivent dans la durée.

Et c'est ainsi que la tragi-comédie grecque nous a plongés dans des montagnes russes depuis une semaine. Optimisme après le renforcement du plan de soutien européen à la Grèce. Panique quand le premier ministre grec a annoncé la tenue d'un référendum sur la question. Petite baisse de la tension quand il a changé d'idée. Mais déception à l'absence de solutions produites par le G20. Et sans doute soulagement avec la démission de M. Papandreou et l'annonce de la formation d'un gouvernement de coalition. Rendez-vous au prochain rebondissement!

La seule façon d'aborder ces enjeux, c'est de prendre du recul et faire preuve de patience. De fermer la télé! De cesser de se comporter comme des opérateurs de marchés spéculatifs, qui passent de la panique à l'euphorie d'une nouvelle à l'autre.

Les évènements qui font l'actualité - effondrement des cours boursiers, stagnation économique américaine, crise européenne - sont tous des manifestations d'une même réalité, à savoir que la crise, amorcée en 2008, n'est pas terminée. Certains ont cru, à tort, que la reprise économique de 2009 marquait la fin de cette crise. Mais plusieurs de ses causes profondes n'ont pas été réglées. En outre, ce choc a révélé et amplifié des faiblesses structurelles, comme en Europe. Le retour à la normale sera donc long.

La crise de l'euro trouve ses origines dans des carences graves de la construction européenne, quand on a créé une monnaie commune sans l'accompagner des institutions nécessaires pour l'encadrer, ce qui a permis des écarts comme la dérive grecque et ses effets d'entraînement sur toute la zone. Comment s'en sortir? Avec des mesures d'urgence pour éviter la contamination sur l'ensemble du système financier européen. Mais surtout, par la création d'institutions nouvelles et le développement d'une culture économique commune.

Est-ce que ce processus est amorcé? Oui. Y a-t-il des progrès? À mon avis, oui, si on regarde les choses avec un certain recul. Ces progrès sont lents, laborieux, et prennent parfois d'inquiétants détours. Mais comment pourrait-il en être autrement?