À l'instar de Desjardins et des autres grandes entreprises qui offrent à leurs employés un régime de retraite à prestations déterminées, Hydro-Québec est lui aussi aux prises avec un lourd déficit de solvabilité. Évalué à 2,6 milliards le 31 décembre dernier, ce déficit approcherait maintenant les 5 milliards si le régime d'Hydro a suivi la dégradation de la médiane du degré solvabilité de l'ensemble des régimes existants.

Selon Aon Hewitt, la plus grande société mondiale de services-conseils et d'impartition dans le domaine des ressources humaines, le degré de solvabilité médian des régimes de retraite s'élevait à la fin de décembre 2010 à 83,0%. En date du 30 septembre dernier, ladite médiane AON, qui est basée sur 450 régimes, est tombée à 70% (13 points de moins), et ce en raison de l'augmentation du passif des régimes (attribuable à la baisse des taux de long terme) et de la correction boursière mondiale.

Le 31 décembre dernier, selon la porte-parole d'Hydro, Ariane Connor, le degré de solvabilité du régime de retraite d'Hydro s'élevait à 84,4%. Elle a en outre confirmé que l'actif du régime était de l'ordre de 14 milliards, à comparer à un passif de 16,6 milliards, pour un déficit de 2,6 milliards.

En appliquant le recul de 13 points de la médiane de solvabilité AON au régime de retraite d'Hydro-Québec, cela a pour effet, selon un expert consulté par La Presse Affaires, de faire grimper au 30 septembre 2011 le déficit de solvabilité à presque 5 milliards de dollars, soit 2,4 milliards de plus qu'au 31 décembre 2010.

J'ai demandé à Hydro-Québec de commenter ce calcul de La Presse Affaires portant sur la possibilité que le déficit de solvabilité de son régime de retraite soit rendu à près de 5 milliards au 30 septembre.

Hydro n'a ni confirmé ni infirmé nos chiffres.

«Le rapport d'évaluation actuarielle est produit à tous les ans en date du 31 décembre. Ce rapport établira le nouveau déficit de solvabilité», s'est contentée de répondre Mme Connor.

J'ai également demandé à Hydro-Québec si, à l'instar de plusieurs entreprises victimes d'un lourd déficit de solvabilité chez leurs régimes de retraite, elle avait fait des représentations auprès de la Régie des rentes du Québec (RRQ) pour lui demander de réviser les critères actuariels de solvabilité des régimes complémentaires de retraite, lesquels critères expliquent le présent gonflement des déficits de solvabilité?

Réplique de la porte-parole d'Hydro: «Nous ne commentons pas sur ce type de question.»

Afin d'alléger le fardeau du financement des déficits de solvabilité des régimes de retraite à prestations déterminées offert par les entreprises, le gouvernement du Québec, par l'entremise de la RRQ, a mis en place en janvier 2009 des mesures visant à amortir lesdits déficits sur 10 ans au lieu des cinq ans prévus dans la loi sur les régimes complémentaires de retraite. Cette mesure doit prendre fin en 2011.

Compte tenu du gonflement des déficits de solvabilité de ces régimes de retraite depuis le début de l'année et de son impact dramatique sur la santé financière des entreprises visées, le gouvernement Charest, à la demande de la RRQ, va probablement prolonger de quelques années additionnelles la mesure d'amortissement sur 10 ans. Question de laisser respirer les entreprises.

De plus, la RRQ va analyser de fond en comble les règles actuarielles existantes afin de déterminer si elles ne sont pas trop exigeantes, compte tenu de l'évolution des marchés financiers. Et si telle était la conclusion de ses experts, on proposerait de réformer la loi actuelle dans le dessein d'alléger lesdites règles actuarielles.Chose certaine, un assouplissement des règles actuarielles des régimes de retraite à prestations déterminées soulagerait Hydro-Québec, la principale vache à lait du gouvernement du Québec.Autrement dit, en assouplissant les règles actuarielles, le gouvernement Charest se ferait lui-même un cadeau financier, puisque cela permettrait notamment à Hydro-Québec de se retrouver avec un plus petit déficit de solvabilité du régime de retraite à financer. Ce qui pourrait se traduire par plus de profits pour la plus prolifique vache à lait de l'État québécois.

Le régime de retraite d'Hydro-Québec comte 39 000 participants, employés et retraités. Ce régime fait partie des plus généreux régimes à prestations déterminées actuellement offerts au Canada.

Hydro-Québec y a contribué en 2010 à hauteur de 646 millions de dollars, soit 296 millions à titre de cotisations courantes et 350 millions à titre de cotisation d'équilibre. C'est plus de cinq fois le montant des cotisations versées par les employés dans le régime.

La cotisation d'équilibre de 350 millions représente le montant qu'Hydro-Québec devait verser en 2010 pour amortir le déficit de solvabilité du régime, en vertu de la mesure temporaire des 10 ans.

Si la période d'amortissement déficit était restée à cinq ans, comme il est prévu dans la loi, Hydro aurait été contrainte de verser plus d'un demi-milliard comme cotisation d'équilibre... en 2010.

Imaginez maintenant le montant que devra verser Hydro si jamais le gouvernement Charest ne prolongeait pas au-delà de 2011 la fameuse mesure d'allègement de l'amortissement des déficits de solvabilité.