Le Mouvement Desjardins, c'est le plus gros employeur privé au Québec. Comme il offre à ses employés l'un des plus généreux régimes de retraite à prestations déterminées, l'institution financière est aux prises présentement avec un déficit de solvabilité de plus en plus lourd à supporter. Il se serait accru de presque un milliard depuis le début de l'année, pour atteindre quelque 3,1 milliards.

On comprend pourquoi la direction du Mouvement Desjardins multiplie actuellement les démarches auprès de la Régie des rentes du Québec (RRQ) dans le dessein de l'aider à trouver une solution à l'épineux problème de ce déficit de solvabilité.

Le Mouvement Desjardins n'a pas voulu commenter ces informations que La Presse a obtenues de source sûre. La porte-parole Nathalie Genest s'est contentée de répondre: «En réponse à votre demande, simplement vous informer que le calcul de solvabilité de notre Régime se fait une fois l'an, soit au 31 décembre et sera donc connu au premier trimestre de l'année 2012. Salutations!»

Desjardins n'est évidemment pas la seule grande entreprise québécoise à solliciter l'aide de la RRQ pour alléger le fardeau de son régime de retraite à prestations déterminées. La plupart des quelques 660 régimes de cette catégorie se retrouvent en déficit de solvabilité par rapport aux exigences de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite offerts par l'entreprise privée.

La crise est à ce point majeure que le nouveau patron de la RRQ, Denys Jean, nous a affirmé en entrevue cette semaine qu'elle est sa priorité de l'heure.

La solvabilité des régimes à prestations déterminées s'est grandement détériorée depuis le début de l'année et ce, en raison de deux facteurs, soit l'impact sur les portefeuilles de placements desdits régimes de la correction boursière et la baisse des taux d'intérêt à long terme qui provoque automatiquement une augmentation du passif des régimes.

Est-ce dangereux de se retrouver avec un lourd déficit de solvabilité? Il faut préciser que le calcul du ratio de solvabilité est basé sur la prémisse suivante. Dans l'hypothèse où l'entreprise fermait ses portes et que le régime de retraite prenait fin, un degré de solvabilité de 100% signifie que la valeur des actifs du régime peut couvrir 100% des engagements prévus (les rentes) envers les employés et retraités. Quand le degré tombe sous la barre des 100%, cela signifie que l'actif du régime ne peut couvrir qu'une portion des engagements.

Le printemps dernier, le président du Comité de retraite du Mouvement Desjardins, Denis Paré, déclarait fièrement: «Alors que plusieurs entreprises abandonnent leur régime à prestations déterminées, le Mouvement Desjardins continue de se distinguer en conservant le sien. Les participants peuvent être fiers de faire partie d'un régime à prestations déterminées dont l'employeur partage les risques avec ses employés, garantissant une contribution significative qui leur assure une sécurité financière pour leur retraite. Peu d'organisations offrent un régime de cette qualité, au moment où, dans l'actualité, un grand questionnement social s'impose sur les enjeux de financement des futurs retraités.»

Son généreux régime de retraite au Mouvement Desjardins a beau lui servir d'attraction pour recruter du personnel ou retenir ses 38 000 employés, il n'en demeure pas moins que l'institution cherche elle aussi à régler son épineux problème de déficit de solvabilité.

Le président directeur général de la RRQ déclarait cette semaine que le gouvernement Charest allait en quelque sorte secourir les entreprises dont le régime de retraite souffre d'un lourd déficit de solvabilité. Comment? En prolongeant pour une durée de 2 à 3 ans les mesures d'allègement actuellement en vigueur, lesquelles mesures permettent notamment aux entreprises de renflouer leur déficit de solvabilité sur une période de 10 ans au lieu de seulement cinq ans.

Pendant cette période d'allègement, la RRQ, de concert avec les entreprises concernées et des spécialistes en régimes de retraite, va analyser la situation dans le but de proposer une éventuelle réforme de la loi sur les régimes complémentaires de retraite.

M. Jean tient à rappeler ici que la RRQ n'est pas impliquée dans la création de ces régimes privés de retraite. Si des régimes à prestations déterminées sont trop généreux, ce n'est pas de la faute de la RRQ, ni du gouvernement. «Il ne faut jamais oublier qu'un régime complémentaire de retraite, c'est un contrat entre deux parties. C'est privé. Les gens font le choix de se donner un régime de retraite. Ce n'est pas nous qui décidons.»

Est-ce la loi actuelle qui est trop contraignante en terme de calcul actuariel du degré de solvabilité ou les régimes qui sont trop coûteux pour les entreprises?

«Des questions de ce genre sont sur la table, précise M. Jean. Il n'y a rien d'exclu. Où est l'équilibre? Les règles actuelles de la loi sont très très contraignantes. À chaque année, tu te places en situation comme si tu fermais ton régime. Mais ce n'est pas nous qui décidons que tel régime de retraite offre des prestations indexées. Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on applique la Loi et le test de solvabilité...

«Présentement, on a des règles qui donnent des résultats. Les résultats sont difficiles à gérer et peuvent même potentiellement mettre en péril des entreprises. Étant donnée cette situation, la question est de savoir maintenant: est-ce que ces règles-là sont toujours adéquates?»