Il est régulièrement question dans les médias de l'exode des sièges sociaux de Montréal. C'est vrai: la métropole québécoise, sur ce plan, est en constant déclin depuis 20 ans. Mais elle n'est pas la seule.

Toronto aussi perd des sièges sociaux. Vancouver aussi. Winnipeg aussi. Et au décompte, on s'aperçoit que si le malheur des uns fait le bonheur des autres, c'est Calgary qui en profite le plus.

C'est ce que montre une étude que vient de publier l'Institut Fraser, et qui porte sur le nombre de sièges sociaux dans les grandes villes canadiennes entre 1990 et 2010.

Le document retient les noms des 500 plus grandes entreprises canadiennes (publiques et privées), tel qu'établi au classement annuel du Financial Post. On ne parle pas ici de bineries. La plus petite de ces entreprises est le groupe Procom, une société torontoise de placement de personnel, dont le chiffre d'affaires atteint la bagatelle de... 327 millions de dollars!

À ce niveau, chaque siège social constitue pour n'importe quelle ville un véritable petit trésor: emplois de grande qualité, retombées économiques importantes (notamment auprès des fournisseurs locaux), impôts fonciers, contributions à la vie culturelle, sportive, universitaire, etc.

Du Canada, cinq villes se partagent 394 des 500 sièges sociaux des plus grandes entreprises. Ce sont, dans l'ordre, Toronto, Montréal, Calgary, Vancouver et Winnipeg. Il s'agit dans chaque cas des régions métropolitaines de recensement. Par exemple, le siège d'Alimentation Couche-Tard est situé à Laval, mais, aux fins de la compilation, il compte comme un siège social montréalais.

Or, depuis 20 ans, Montréal a perdu 15 sièges sociaux, Toronto 11, et Winnipeg 4. Vancouver en a gagné 4, mais, toutes proportions gardées, il ressort perdant comme on le verra plus loin. Enfin, Calgary, enfant gâté au palmarès, en a gagné 31.

Aujourd'hui, Calgary abrite 75 des plus grands sièges sociaux, chiffre qui soutient parfaitement la comparaison avec les 81 qui restent à Montréal. Toronto, avec 175 sièges sociaux, demeure confortablement installé en tête du classement.

Toutefois, le nombre de sièges sociaux ne dit pas tout, loin de là.

Pour avoir une meilleure idée de l'impact d'un siège social sur l'économie locale, il faut aussi tenir compte de la taille de la population. Prenons une ville de 300 000 habitants avec six sièges sociaux, et une autre de 1 million avec neuf sièges sociaux. Même si cette dernière compte trois sièges sociaux de plus que la première, il est clair que les retombées économiques favorisent davantage la plus petite des deux villes.

On peut mesurer cela en calculant le nombre de sièges sociaux par tranche de 100 000 habitants. Selon cette approche, tout le monde est perdant sauf Calgary. Nous avons vu plus haut que Vancouver a gagné quatre sièges sociaux en 20 ans. Cependant, la métropole britanno-colombienne a connu pendant cette période une forte croissance démographique; il se trouve qu'elle n'a pas été capable d'attirer suffisamment de grands sièges sociaux pour suivre cette croissance.

Ainsi, à Montréal, le nombre de sièges sociaux par tranche de 100 000 habitants est passé de 2,9 à 2,1, un recul de 27%. C'est une bien mauvaise nouvelle. Mais il y a pire. À Toronto, les chiffres correspondants sont de 4,7 à 3,0, une chute de 36%. Autrement dit, Toronto demeure de loin le premier choix des sièges sociaux; mais, toutes proportions gardées, ses pertes sont plus importantes qu'à Montréal. Toujours en tenant compte de la population, le recul atteint 30% à Winnipeg et 29% à Vancouver.

Calgary aussi a connu une croissance démographique importante depuis 20 ans, mais la ville a tellement bien su mener ses affaires qu'elle compte aujourd'hui six sièges par tranche de 100 000 habitants, deux fois plus qu'à Toronto.