On a souvent tendance, au Québec, à dramatiser les rapports fédéraux-provinciaux, et à les transformer en enjeux existentiels. La signature de l'entente entre les premiers ministres Jean Charest et Stephen Harper sur l'harmonisation des taxes de vente ne fera sans doute pas exception.

Les fédéralistes pourront y voir une preuve éclatante du bon fonctionnement du système fédéral. Les souverainistes, jamais contents, rappelleront les années de chicanes qu'il aura fallu pour que le Québec ait droit à une compensation de 2,2 milliards du gouvernement fédéral, s'offusqueront peut-être de l'impardonnable retard de 15 jours pour une signature que les conservateurs, en campagne électorale, avaient promise pour le 15 septembre. Certains évoqueront même le rôle providentiel du Bloc québécois dans l'aboutissement de ce dossier.

Honnêtement, je ne vois dans cette entente ni révélation, ni démonstration éclatante. Cette entente illustre, plus modestement, que notre régime fonctionne, mais avec les tensions et les lourdeurs propres à un régime fédéral, que les choses se règlent, mais lentement, que l'équité interprovinciale finit par trouver ses droits, mais que ces processus peuvent être laborieux et soumis aux pressions politiques. Elle montre aussi, il faut le souligner, que le premier ministre Harper est un homme politique qui tient ses promesses.

Pour comprendre pourquoi il a fallu tant d'années pour régler ce dossier, il faut remonter deux décennies en arrière. Le Québec a pris lui-même l'initiative, sous Robert Bourassa, d'imiter le gouvernement fédéral de Brian Mulroney et d'instaurer en 1991 sa propre taxe sur la valeur ajoutée, la TVQ. Cela explique pourquoi la question d'une compensation ne se posait même pas. On y a même vu, à l'époque, un bel exemple de collaboration fédérale-provinciale parce qu'Ottawa a accepté de confier la gestion de sa TPS à Revenu Québec.

Tout a changé quand Ottawa a voulu intégrer d'autres provinces à ce régime fiscal et qu'il a dû, pour convaincre des provinces hostiles à la TPS, les acheter en versant une compensation pour couvrir les coûts de la transition. Les provinces atlantiques ont été les premières, en 1997, à profiter de cette largesse. C'est là que le débat sur une compensation pour le Québec, au nom de l'équité, a vraiment débuté. Mais sans grande passion, parce que les sommes modestes versées aux provinces atlantiques pouvaient être vues comme des subventions à des provinces dans le besoin. La coupe a vraiment débordé quand l'Ontario a eu droit à 4,3 milliards et la Colombie-Britannique à 1,6 milliard. Il devenait très gênant de refuser la même chose au Québec.

Dans cette chicane, qui dure donc depuis longtemps, on retrouve une constante, la rigidité du ministère fédéral des Finances, et les arguments de mauvaise foi qu'il a fournis à ses ministres, tant le libéral Paul Martin que le conservateur Jim Flaherty, pour dire non au Québec. Il aura finalement fallu une élection fédérale pour que le Québec ait gain de cause.

Malgré la promesse de M. Harper, le processus de négociation pour en arriver à une entente est resté laborieux, comme en fait foi ce retard de dernière minute. Ottawa a lâché du lest en laissant Québec percevoir la nouvelle taxe, Québec a cédé en modifiant d'importantes dispositions pour les entreprises. Mais le vrai obstacle, semble-t-il, c'était la culture centralisatrice des Finances, qui voit la TVH comme une taxe unique et fédérale. Tandis que le Québec la voit comme la rencontre de deux taxes émanant de deux gouvernements disposant chacun de son autonomie fiscale.

Mais le résultat est là. Une taxe vraiment harmonisée et simplifiée, la TVH, ce qui est un progrès pour tout le monde, gérée par le Québec, ce qui est le gros bon sens, et en prime, deux chèques qui totaliseront 2,2 milliards.