Sauf dans quelques milieux écologistes, c'est dans l'indifférence la plus totale que le Canada a lancé, mercredi, la première Journée nationale de l'arbre. Et je suis prêt à parier qu'une infime minorité de citoyens, même chez ceux qui s'intéressent à des questions aussi cruciales que la déforestation sur la planète, savent que nous sommes en plein dans l'Année internationale des forêts, décrétée par les Nations unies.

Le moment paraît bien choisi pour dresser un portrait des forêts dans le monde.

Tous les deux ans, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (mieux connu sous le sigle anglais FAO) publie un rapport détaillé sur la question. Le plus récent, celui de 2011, couvre les 20 dernières années, ce qui permet de voir comment la situation a évolué sur une assez longue période.

Le document constate que la forêt continue de reculer presque partout dans le monde. Ça, c'est la mauvaise nouvelle.

Mais la FAO fournit aussi des chiffres qui montrent à quel point certains militants écologistes versent trop facilement dans l'enflure verbale et les scénarios-catastrophe.

S'il est vrai que l'exploitation et les désastres naturels font reculer le couvert forestier, il est aussi vrai que les forêts ont la capacité de se régénérer. De plus, presque tous les pays du monde ont mis sur pied des programmes de reboisement. Les écolos «oublient» parfois de le dire.

Concrètement, voyons ce que cela donne.

Au total, en 20 ans, la planète a perdu 13,5 millions d'hectares de forêts. C'est presque deux fois la superficie du Nouveau-Brunswick. Présenté comme cela, en effet, le chiffre a de quoi faire frémir.

Mais derrière cette sombre donnée se profilent des réalités autrement plus encourageantes:

> Entre 1990 et 2000, les pertes ont atteint 8,3 millions d'hectares; au cours des 10 années suivantes, de 2000 à 2010, les pertes ont ralenti à 5,2 millions d'hectares; c'est encore trop, certes, mais sur une aussi longue période, la tendance à l'amélioration saute aux yeux;

> Le chiffre de 13,5 millions d'hectares peut sembler monstrueux; en réalité, il ne représente que 0,3% du couvert forestier de la planète. Autrement dit, depuis 20 ans, malgré tout ce que vous avez pu entendre dire sur l'erreur boréale, la destruction de la forêt amazonienne et l'anéantissement de la vie sauvage à Bornéo, la planète a pu conserver intact 99,7% de son couvert forestier. Vous avez bien lu: quatre-vingt-dix neuf virgule sept pour cent!!!

Un coup d'oeil sur les données régionales nous fournira un éclairage encore plus intéressant.

Commençons par le Canada. En 1990, la superficie forestière observée au Canada était de 310 millions d'hectares. Est-ce qu'on a perdu beaucoup de forêts depuis ce temps? Pas du tout! En 2010, la FAO recense au Canada... 310 millions d'hectares de forêt. Malgré les histoires d'horreur qui circulent un peu partout, le Canada n'a pas perdu un mètre carré de forêt en 20 ans.

Mais certains pays font encore mieux. Les États-Unis, que l'on aime bien décrire comme des massacreurs de l'environnement, ont réussi à augmenter leur patrimoine forestier de près de 800 000 hectares depuis 20 ans. Ce n'est pas beaucoup, une hausse d'à peine 0,2 %, mais hausse tout de même, ce qui est bien mieux que la plupart des autres pays de la planète.

Parlons maintenant du Brésil et de la forêt amazonienne. Là, c'est vrai, il y a un problème. Le Brésil a sacrifié 5,5 millions d'hectares de forêt entre 1990 et 2010. C'est le pays qui a le pire record en la matière: à lui seul, le Brésil compte pour 41 % de toute la déforestation mondiale. Pourtant, ces 5,5 millions d'hectares ne comptent que pour 1 % de la forêt brésilienne. Ce qui signifie que le pays conserve intacts 520 millions d'hectares de forêt, près de 99 % de son patrimoine. De là à hurler à la «destruction» de la forêt amazonienne...

De loin, le pays qui compte le plus important couvert forestier est la Russie, avec près de 810 millions d'hectares. Les Russes s'arrangent pour assez bien gérer ce patrimoine. En 20 ans, ils n'ont rien perdu, ils ont même très légèrement augmenté leur superficie forestière de 14 000 hectares.

Le meilleur élève de la classe est la Chine, avec une augmentation de 5 millions d'hectares (à lui seul, ce chiffre représente presque la moitié de la forêt allemande).

Ce que tous ces chiffres nous disent, c'est que, oui, le couvert forestier continue de s'amenuiser, mais à un rythme moindre que dans les années 90 et que, surtout, nous sommes encore à des années-lumière de la catastrophe appréhendée.