Note à Christian Paradis, ministre de l'Industrie et lieutenant politique de Stephen Harper au Québec: lorsqu'on promet de régler un litige qui dure depuis plus de 20 ans, mieux vaut ne pas s'avancer sur une date précise, surtout si on n'a pas le pouvoir de «livrer», comme on dit dans le jargon politique.

Depuis le temps que Québec attend une compensation financière pour avoir harmonisé la TPS et la TVQ, nous n'en sommes pas à un ou deux jours près. Que ce soit le 15 septembre ou quelques jours plus tard, bof... Au fond, l'important, c'est de recevoir les 2,2 milliards.

N'empêche, le ministre Paradis vient de se faire désavouer par son collègue des Finances, Jim Flaherty, qui ne se sent apparemment pas lié par les promesses du lieutenant québécois.

Rappelons, pour la petite histoire, que Christian Paradis a débarqué à Québec en avril dernier, un mois avant les élections, pour promettre un règlement de ce vieux dossier d'«ici au 15 septembre». M. Paradis avait insisté pour dire qu'il s'agissait d'un «engagement ferme» et que Québec recevrait un chèque (autour de 2,2 milliards) avant cette date butoir.

Rappelons aussi, pour se remettre dans le contexte, que cette promesse avait été faite au lendemain de l'annonce, par Stephen Harper, d'une aide financière (garantie de prêt) de 4 milliards de dollars à Terre-Neuve pour l'exploitation hydroélectrique du Bas-Churchill. Il fallait bien faire passer la pilule, et Christian Paradis avait même ajouté que son gouvernement ne voulait pas de chicane avec Québec.

À en croire le lieutenant de M. Harper, «le chèque était à la poste». En fait, le dossier était tellement avancé que la compensation aurait presque pu être concrétisée dans le budget Flaherty, présenté juste avant le lancement de la campagne électorale.

Faute de l'inscrire dans le budget, l'engagement serait écrit noir sur blanc dans la plateforme conservatrice puisque, avait ajouté Christian Paradis, «les volets administratif et législatif ne sont pas des écueils dans les discussions, il reste seulement des détails techniques à régler».

Rappelons, enfin, que l'engagement était bel et bien inscrit dans le programme électoral des conservateurs, mais les 2,2 milliards ne figuraient pas dans le cadre financier, ce qui en avait fait tiquer plus d'un.

L'ancien chef libéral Michael Ignatieff avait même affirmé qu'il était «irresponsable» de la part des conservateurs de promettre un règlement sans avoir prévu une telle dépense dans leur cadre financier. Ce à quoi Christian Paradis avait répondu: «On va trouver l'argent en temps voulu. C'est un engagement clair.» Autrement dit: ne vous en faites pas, le chèque est en route!

Difficile de savoir exactement pourquoi les négociations, qui étaient somme toute terminées il y a cinq mois, sont aujourd'hui embourbées de nouveau. Curieusement, le bureau du premier ministre a affirmé il y a trois semaines que cette affaire serait classée avant le 15 septembre.

La question de la perception de la taxe harmonisée, pierre d'achoppement pendant longtemps, avait été réglée (Québec pouvait recueillir, disait-on, la taxe et verser à Ottawa la part qui lui revient). Par ailleurs, Québec s'engageait à ne plus «taxer la taxe», une pratique décriée depuis des années. Quant à la valeur de la compensation, tout le monde semblait s'entendre (autour de 2,2 milliards).

Il reste à savoir si Ottawa et Québec s'entendent sur la liste des biens et services exempts de taxe, une autre pomme de discorde dans les longues négociations.

Chose certaine, cette annonce-surprise du ministre Flaherty renforcera la perception déjà répandue que le gouvernement Harper ne se soucie plus guère du Québec depuis qu'il a acquis sa majorité en perdant des sièges dans la province. La nomination par le premier ministre, la semaine dernière, d'un directeur des communications qui ne parle pas français et qui a écrit récemment des chroniques méprisantes envers le Québec a aussi été mal perçue au Québec.

André Bachand, ancien délégué du Canada à l'UNESCO, qui vient tout juste d'être nommé conseiller du premier ministre pour le Québec, n'est pas officiellement en poste, mais il a déjà beaucoup de pain sur la planche.

Les députés du NPD devront eux aussi apprendre leur nouveau rôle. Avec ses 59 élus au Québec, c'est le NPD qui doit maintenant relayer les demandes et les priorités du Québec à Ottawa. C'est du moins à cela que l'ancien chef, Jack Layton, s'était engagé, le soir des élections.

Hier, il n'y avait que le libéral Denis Coderre qui s'activait pour dénoncer le nouveau délai et pour exiger des comptes des conservateurs. La voix du Québec à Ottawa ne peut être contenue uniquement dans le compte Twitter d'un seul député du deuxième parti de l'opposition, aussi efficace soit-il.

Les députés du NPD vont devoir apprendre à être plus mordants.