La brique de 118 pages s'appelle «Indicateurs de suivi de la stratégie gouvernementale de développement durable 2008-2013». Elle a été publiée dans l'indifférence générale, vendredi dernier, par le gouvernement du Québec. Avec un titre aussi rébarbatif, pas surprenant qu'elle n'ait pas suscité beaucoup d'intérêt. Je suis tombé dessus par hasard en butinant sur la Toile.

Wow, chers lecteurs, quelle mine de renseignements! La recherche déborde largement des questions strictement environnementales et brosse un tableau remarquable de points forts et de points faibles qui influencent directement la qualité de vie des Québécois (1).

Les auteurs ont retenu près de 70 indicateurs. Retenons-en quelques-uns parmi les plus significatifs.

D'abord, les bonnes nouvelles:

- Un marché du travail performant. Il y a 10 ans, le taux d'emploi au Québec (la proportion des personnes en âge de travailler et qui occupent effectivement un emploi) se situait à 67,4%, assez loin derrière la moyenne canadienne de 70,8%. On considère qu'un taux de 70% indique un marché en bonne santé. En 2010, le Québec affichait un taux d'emploi de 71,1%, chiffre qui soutient très bien la comparaison avec la moyenne canadienne de 71,5%. L'amélioration est manifeste.

- Un bilan environnemental enviable. Entre 1999 et 2008, la consommation de produits pétroliers est passée de 14,6 à 15,5 millions de tonnes équivalent-pétrole, une hausse de 6%. C'est très raisonnable quand on sait que, pendant la même période, le parc automobile du Québec a augmenté de plus de 50%. Le pétrole brut est le premier produit d'importation du Québec. Tout ralentissement de la consommation contribue à freiner la détérioration de la balance commerciale. Ce n'est pas tout. Entre 1996 et 2008, le taux de récupération des matières résiduelles a bondi de 40 à 57%. En 10 ans, la production d'énergie éolienne a été multipliée par sept, passant de 121 à 810 kilowatts/heure. Toujours depuis 10 ans, la clientèle du transport en commun est en hausse de 13%; en 2009, les réseaux québécois ont transporté 555 millions de passagers; le gouvernement s'est fixé un objectif de 566 millions de passagers en 2011. Au rythme où les choses évoluent, tout indique que cet objectif sera dépassé

- Les investissements en recherche et développement. Les crédits versés en aide à la recherche scientifique et au développement technologique sont passés en 10 ans de 385 à 497 millions de dollars; les crédits à l'innovation, de 49 à 94 millions.

- Le revenu disponible par habitant. Lentement mais sûrement, le Québec est en train de diminuer l'écart qui le sépare de la moyenne canadienne. En 2000, le revenu du Québécois était inférieur de 11% à la moyenne canadienne. En 2009, l'écart n'était plus que de 9%. Les Québécois sont encore moins riches que les autres Canadiens, mais leur situation relative s'améliore.

S'il faut se réjouir de ces succès, il y a lieu de s'inquiéter ailleurs. Voici quelques points particulièrement préoccupants:

- La faiblesse des gains de productivité. C'est un problème chronique de l'économie québécoise. En 2001, le Québec accusait à ce chapitre un retard de 4,6% sur la moyenne canadienne. En 2010, le retard s'est encore creusé, à 4,8%. Ces quelques points de pourcentage peuvent sembler insignifiants, mais il faut savoir que si le Québec parvenait seulement à combler cet écart, nous serions collectivement plus riches de 15 milliards. La faible productivité est due en partie à un autre maillon faible de l'économie québécoise: le déclin des investissements manufacturiers en outillage et équipement. De 4,2 milliards en 2003, ces investissements sont tombés à 2,5 milliards en 2010, une véritable catastrophe. On prévoit une amélioration sensible cette année, avec 3,3 milliards, mais on est encore très loin du compte.

- Le rendement du système de santé. Les auteurs utilisent le concept de «besoins de santé non comblés». Ce concept correspond à la différence entre les services de santé jugés nécessaires et les services effectivement reçus. En 2000, 14% des besoins n'étaient pas comblés chez les hommes, 11% chez les femmes. En 2005, dernière année pour laquelle on dispose de chiffres sur le sujet, on observe exactement les mêmes résultats. Il serait hautement surprenant que la situation se soit améliorée depuis 2005. Autrement dit, le système a beau engloutir les milliards et les milliards, il est systématiquement incapable de combler les besoins.

- Les migrations démographiques. Grâce surtout à l'immigration internationale, le Québec réussit à maintenir sa croissance démographique. Faible, certes, mais croissance tout de même. En revanche, la société québécoise pâtit de deux autres graves problèmes: le dépeuplement des régions et l'effet trou de beigne à Montréal. Depuis 2001, les régions périphériques, déjà faiblement peuplées, ont perdu 50 000 citoyens au profit des régions centrales. Montréal a perdu de son côté 200 000 citoyens au profit de la banlieue.

(1) On peut télécharger gratuitement le document à partir de la page d'accueil de l'Institut de la statistique du Québec: www.stat.gouv.qc.ca

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FORCES ET FAIBLESSES DU QUÉBEC

Quelques succès:

- Marché du travail

- Environnement

- Investissements en recherche et développement

- Transport en commun

Quelques échecs:

- Investissements manufacturiers

- Rendement du système de santé

- Démographie

- Faiblesse des gains de productivité