Les gens heureux n'ont pas d'histoire, à ce qu'il paraît. On pourrait en dire autant des banques.

Alors que les banques canadiennes dévoilent leurs derniers résultats financiers avec des profits qui s'annoncent à la hausse, tous les yeux sont tournés vers les États-Unis. Depuis le début de la semaine, la première banque américaine en terme d'actif, Bank of America, se trouve sous les feux des projecteurs, alors que son plan de relance suscite la polémique.

Rarement a-t-on vu les analystes avoir des opinions aussi discordantes au sujet d'une entreprise. Avec pour résultat que le titre de Bank of America joue au yoyo en Bourse.

Après une glissade abrupte, l'action a rebondi de 11% dans la seule journée d'hier, pour clôturer à 6,99$US. Malgré tout, il vaut toujours moitié moins qu'en début d'année.

Le débat est de savoir si Bank of America dispose d'assez de réserves dans ses coffres. Car cette banque doit à la fois régler les poursuites associées aux hypothèques viciées héritées de son achat malheureux de Countrywide Financial en 2008 et faire face aux nouvelles exigences internationales en matière de fonds propres.

Brian Moynihan, le chef de la direction recruté pour faire le ménage, multiplie les gestes et transactions d'éclat. Bank of America licenciera 3500 salariés, en plus des 2500 suppressions de postes annoncées depuis le début de l'année. L'institution se départira aussi de ses activités de crédit à la consommation à l'international. Déjà, elle a cédé à la Banque TD le portefeuille de cartes de crédit Master Card de sa filiale MBNA Canada en échange de 7,5 milliards de dollars.

Malgré tout, cela semble insuffisant aux yeux de nombreux observateurs du marché, dont Henry Blodget, cet ex-analyste de la bulle techno reconverti en blogueur. À ses yeux, la valeur de l'actif de Bank of America est artificiellement gonflée. Il faudrait biffer de 100 à 200 milliards de dollars (rien de moins!) pour que son bilan se rapproche de la réalité.

À l'autre extrême se trouvent plusieurs analystes, dont Meredith Withney. Cette femme qui s'est rendue célèbre en mettant le doigt sur la vulnérabilité des banques américaines avant la crise financière juge que Bank of America n'a nul besoin de lever des capitaux à court terme au moyen d'une émission d'actions. À ses yeux, la stratégie de Brian Moynihan est la bonne. En attendant que passe cette crise de confiance, dit-elle, les actionnaires de la Bank of America n'ont qu'à s'accrocher.

Tout ce brouhaha fait diversion. Car au-delà des ennuis de Bank of America, l'industrie bancaire des États-Unis affiche des signes de rémission encourageants. Enfin.

Pour la première fois en cinq ans, le nombre de banques en difficulté a légèrement chuté, a rapporté mardi la FDIC, la société d'assurance dépôt du gouvernement fédéral. Des 7351 banques du pays, 865 inquiétaient la FDIC en juin, contre 888 à la fin avril. De plus, les profits des banques dans leur ensemble ont grimpé pour un huitième trimestre de suite.

Ces progrès tiennent plus à une réduction des provisions pour pertes qu'à une hausse des prêts consentis. Malgré tout, les banques ont accru modestement leurs prêts de 0,9% ce printemps. Ce premier signe de croissance en trois ans s'explique surtout par une hausse des emprunts commerciaux et industriels.

Si on ne peut pas encore parler d'un retour à la normale, il y a de l'espoir.

Cette nouvelle ne manquera pas d'attirer l'attention du président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, qui met la dernière main au discours très attendu qu'il prononcera demain à Jackson Hole, au Wyoming. Chacun de ses mots sera disséqué par les investisseurs, qui rêvent d'une mesure miracle pour relancer l'économie américaine et la Bourse. Mais avec des attentes aussi élevées, la déception pourrait être grande...

Comme le taux directeur est déjà au plancher, et qu'il le restera jusqu'en 2013, la Réserve fédérale est forcée d'avoir recours à des moyens non conventionnels pour stimuler l'économie. Dans cet arsenal limité se trouve ce que les experts appellent la «détente quantitative».

En quelques mots, la Réserve fédérale se trouverait à acheter des bons du Trésor. En augmentant la demande pour ces bons, la «Fed» se trouve à en hausser le prix, ce qui diminue du même coup leur rendement. Du coup, ces placements sécuritaires deviennent moins attrayants, ce qui pourrait inciter les banques commerciales à prêter davantage aux entreprises et aux consommateurs.

Toutefois, la Réserve fédérale a déjà procédé à deux rondes de détentes quantitatives, sans résultat convaincant. Il est loin d'être clair que la troisième salve sera la bonne.

Les banques sont en train d'assainir leurs bilans. Les entreprises sur leurs gardes sont assises sur des montagnes de liquidités. Tellement que la Bank of New York Mellon a récemment pris la décision extraordinaire d'imposer des frais sur les comptes avec un solde de 50 millions de dollars et plus!

Pour que tout cet argent se mette au travail, la réduction des taux d'intérêt ne suffit plus. Il faut plus fondamentalement que les Américains reprennent confiance.

Mais, autant les liquidités des entreprises sont abondantes, autant la confiance est une ressource qui s'épuise en ce sombre mois d'août. Pour que les banques et, plus largement, l'économie américaine reprennent pied, Ben Bernanke devra se montrer plus rassurant et persuasif qu'il ne l'a jamais été.

Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca