D'un point de vue québécois, les résultats de l'enquête sur la population active diffusés hier par Statistique Canada sont assez décourageants. En juin, l'économie québécoise a supprimé plus de 15 000 emplois, de quoi pulvériser la moitié des gains enregistrés en mai. Pour la première fois en 30 mois, le taux de chômage québécois dépasse celui de l'Ontario.

Mais derrière ces tristes données se profilent de bonnes nouvelles pour les régions périphériques, pudiquement désignées « régions ressources » dans le jargon bureaucratique québécois. Nous parlons ici de la Gaspésie (incluant les Îles-de-la-Madeleine), le Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord, l'Abitibi-Témiscamingue, le Saguenay-Lac-Saint-Jean. À part l'Abitibi-Témiscamingue, dont l'économie évolue en dents de scie en fonction des humeurs de l'industrie minière, toutes ces régions sont considérées de façon chronique comme économiquement déprimées. Ensemble, elles comptent pour seulement 11 % de la population québécoise, et toutes sont victimes de dépopulation : les jeunes s'exilent vers les régions plus prometteuses, la population qui reste vieillit.

Or, voici que ces économies régionales supposément « déprimées » montrent un dynamisme économique surprenant. La création d'emplois est un des meilleurs baromètres de l'économie. Et sur ce plan, les régions périphériques, toutes proportions gardées, sont largement en avance sur le reste du Québec depuis un an.

Le plus beau cas est certainement celui de la Gaspésie, traditionnellement réputée comme une des régions les plus attardées du Québec sur le plan économique. C'est beaucoup moins vrai cette année. Entre juin 2010 et juin 2011, l'économie gaspésienne a créé 4400 emplois. Ce chiffre peut sembler petit ; en réalité, il représente une nouvelle extraordinaire dans une région habituée non pas à créer, mais à perdre des emplois.

Cela se traduit par une spectaculaire chute du taux de chômage. Il y a un an, avec un taux de chômage de 17,5 %, la Gaspésie se situait parmi les pires régions économiques du Canada. Aujourd'hui, les chômeurs gaspésiens ne représentent plus que 12,4 % de la population active. C'est encore élevé, certes, mais l'amélioration est manifeste. Pendant ce temps, le taux d'emploi est passé de 46 à 52 %. Ce dernier chiffre demeure en deçà de la moyenne québécoise de 61 %, mais là aussi, le progrès saute aux yeux.

La Gaspésie est loin de constituer un cas unique parmi les régions périphériques. Voyons plutôt :

- Dans le Bas-Saint-Laurent (Rimouski et les environs), une autre région sur laquelle on n'aurait pas misé un vieux sou noir il y a un an, il s'est créé 5900 emplois ; le taux de chômage est passé de 10 à 6,6 %, et est maintenant inférieur à la moyenne québécoise. Qui l'eût cru un jour ? Le taux d'emploi a bondi de 53 à 57 %, ce qui commence à soutenir la comparaison avec les régions perçues comme plus avancées. Là aussi, l'amélioration est spectaculaire.

- L'économie abitibienne a créé 5300 emplois, ce qui a contribué à faire chuter le taux de chômage de 8,7 à 8,0 %. De façon assez remarquable, le taux d'activité de la région est en forte progression. À 66 %, il rejoint maintenant la moyenne provinciale. Le taux d'activité mesure à la fois les gens qui occupent un emploi et ceux qui sont activement à la recherche d'un emploi. Autrement dit, les chômeurs de l'Abitibi-Témiscamingue sont de plus en plus nombreux à espérer dénicher un emploi, ce qui envoie un très bon signal.

- Au Saguenay-Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord, la situation est moins rose, chacune des deux régions perdant quelques centaines d'emplois. Les taux de chômage et d'activité demeurent relativement stables. Ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle, dans la mesure où ces deux régions sont habituées elles aussi à une lente érosion du marché du travail.

Tendance lourde ou embellie passagère ? Il est trop tôt pour le dire. Il est certain que les travaux d'infrastructures entrepris par le gouvernement du Québec expliquent une bonne partie de cette amélioration. D'ici un an, la plupart de ces travaux seront terminés. Il faudra voir à ce moment jusqu'à quel point les économies locales seront en mesure de prendre la relève. En attendant, tous les chiffres que nous venons de voir représentent, pour les régions concernées, une véritable bouffée d'air frais.