Pas besoin de s'étendre longuement sur le véritable cauchemar qu'est devenu le réseau routier montréalais.

Bien sûr, le dément encombrement du réseau a un coût. On peut certes penser aux restaurateurs et aux marchands qui voient leurs clientèles fondre à vue d'oeil. Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres, et pendant que les restaurateurs de la rue Saint-Denis s'arrachent les cheveux, ceux de Longueuil et de Laval se frottent les mains. Plus graves sont les pertes liées aux délais de livraisons indus, et aux dommages causés par les millions de tonnes de cochonneries que les véhicules immobilisés crachent dans l'atmosphère.

Peut-on au moins, au milieu de tous ces malheurs, se consoler en pensant que la prolifération des chantiers contribue à créer de l'activité économique, et donc des emplois et de la prospérité? Même pas!

La paralysie de la circulation à Montréal, aggravée par les stupides mesures vexatoires des ayatollahs anti-automobile, se traduit par des pertes de productivité énormes, de quoi amplement annuler l'activité économique reliée aux chantiers.

Il est très difficile de mesurer le coût de ces pertes de productivité. Si vous arrivez au bureau avec une demi-heure de retard, stressé après avoir conduit dans le gros trafic pendant une heure (ou deux), il est clair que vous n'êtes pas au sommet de votre forme, et que votre productivité va s'en ressentir. Mais comment mettre un montant là-dessus?

Je vous propose un petit exercice qui peut donner un ordre de grandeur.

Il y a, dans la grande région de Montréal, deux millions d'emplois.

Chaque jour, 600 000 personnes empruntent les transports en commun. Selon les chiffres de la Société de transports, 71 % des passagers utilisent le métro et l'autobus pour aller au travail et en revenir. Cela fait plus de 400 000 travailleurs. Beaucoup d'entre eux, surtout ceux qui demeurent loin du métro, peuvent certainement avoir de graves problèmes simplement pour s'y rendre; mais restons prudents, et tenons pour acquis que ces 400 000 travailleurs ne sont pas touchés par le bordel routier montréalais.

Restent près de 1,6 million de personnes. De ce nombre, il y en a un bon tiers qui échappe à l'hyperhémie routière montréalaise : travailleurs autonomes, banlieusards qui occupent un emploi près de la maison, horaires qui permettent d'éviter les heures de pointe.

En gros, on peut donc, de façon prudente, penser qu'environ 1,05 million de travailleurs sont touchés par l'engorgement du réseau. Cela représente 26,4 % des emplois au Québec.

Quel est l'impact des heures perdues et du stress sur la productivité des travailleurs? Impossible à dire, mais on peut certainement, là aussi en restant modéré, estimer que ces inconvénients représentent une perte de productivité de 5 % (sur une journée de travail de six heures, cela représente 18 minutes).

Si tel est le cas, c'est-à-dire si 26,4 % de la main-d'oeuvre québécoise accuse une baisse de productivité de 5 %, cela se traduit par une baisse de 1,32 % du produit intérieur brut (PIB) québécois, ce qui revient à 4,2 milliards, ou 80 millions par semaine.

Voilà, concrètement, la richesse qui s'envole en fumée à cause du désordre routier montréalais.

Certes, ce chiffre représente un ordre de grandeur basé sur des hypothèses prudentes. On peut envisager d'autres scénarios. Ainsi, en supposant des pertes de productivité de 3 % (l'équivalent de 11 minutes par jour, ce qui me semble plutôt frileux comme assomption), les pertes passent à 50 millions par semaine. Si la productivité baisse de 7 % (hypothèse qui me semble plus proche de la réalité), c'est 115 millions que le foutoir routier montréalais engloutit à chaque semaine.

De la même façon, on peut jongler à l'infini avec le nombre de travailleurs touchés par le bourbier. Nous venons de voir qu'on peut le calculer aux alentours de 1,05 million. C'est une estimation; en réalité, est-ce 900 000? 1,2 million? À tout prendre, le montant de 80 millions par semaine est probablement assez juste.

Mais ce qu'il faut surtout retenir de tout cela, c'est que cette inqualifiable gabegie coûte une fortune à l'économie québécoise, sans compter tous les emmerdements qui viennent avec...