Malgré des mesures sévères pour refroidir l'économie, la marmite chinoise déborde: prix de l'immobilier, salaires, crédit bancaire... tout augmente sur un feu trop vif.

Combien coûte aujourd'hui un petit appartement de 500 pieds carrés à Shanghai? Plus de 500 000$ en moyenne1, un bond de 30% en un an.

Le loyer des bureaux à Hong-Kong? En moyenne 2066$US le mètre carré, en hausse de 35% sur un an2, ce qui est deux fois plus cher que les espaces commerciaux au coeur de Londres.

Et un exemple tiré de la vie quotidienne: dans la riche province de Guangzhou (Sud), les habitants se plaignent du tarif d'une coupe de cheveux: une augmentation de 50% en un an, selon la presse locale.

On pourrait présenter longtemps des chiffres qui disent la même chose: la locomotive chinoise va trop vite et l'inflation semble impossible à maîtriser.

Les autorités ont pourtant fait de grands efforts: quatre hausses des taux d'intérêt depuis octobre, autant de resserrements des réserves obligatoires des banques pour contenir le crédit, plusieurs restrictions sur la vente d'immeubles, etc.

Rien n'y fait. La Chine ne contrôle toujours pas sa croissance.

Au premier trimestre, la deuxième économie mondiale a progressé de 9,7%, en variation annuelle. C'est trop.

Car l'indice des prix à la consommation a encore bondi de 5,4% de janvier à mars, la plus forte hausse depuis 2008, a-t-on appris la semaine dernière. Ce taux dépasse largement l'objectif de 4% fixé par les autorités pour tout 2011. Les prix des aliments ont explosé de 11%, les loyers de 6,5% et les salaires, de 20% environ.

Le dérapage immobilier

Cette pression n'a rien de surprenant pour les experts, qui blâment surtout le secteur immobilier où, malgré les efforts pour enrayer la spéculation, les investissements continuent d'augmenter au rythme de 34% par an.

Or, la firme de notation de crédit Fitch croit avoir trouvé des coupables de ce dérapage: les banques.

En dépit là encore des directives de Pékin, plusieurs banques régionales distribuent toujours les prêts à robinet ouvert. Pour le seul mois de mars, le crédit bancaire a dépassé les 90 milliards CAN, en hausse de 25%... en un seul mois. D'où vient l'argent?

Dans une note financière, Fitch avance cette explication: des banques font beaucoup de prêts «hors bilan». Par diverses manoeuvres comptables, on arrive ainsi à se soustraire aux règles. Évidemment, beaucoup de prêts douteux sont attribués, ce qui aurait un impact sur la santé financière des banques. Si bien que Fitch menace d'abaisser la cote de crédit de la Chine si cela continue.

Cet avertissement a été qualifié d'«alarmiste» la semaine dernière par des experts. Il reste que des voyants rouges s'allument. Rançon du succès économique, le coût de la vie s'envole pour les Chinois et menace la paix sociale.

L'autre invasion chinoise

Tout cela peut paraître loin de nous, mais la surchauffe chinoise risque d'augmenter la température un peu partout dans le monde.

Plusieurs pays, dont le Canada, sont déjà aux prises avec une hausse inconfortable des prix. La flambée des cours du pétrole et des aliments en est la grande responsable jusqu'ici. Mais l'inflation chinoise est également menaçante.

Jusqu'à présent, la Chine a aidé l'Occident à maintenir l'inflation à un faible niveau. Une main-d'oeuvre bon marché ainsi que le contrôle exercé sur le yuan ont permis aux Chinois d'exporter leurs produits à des prix imbattables.

Depuis 2000, aux États-Unis, la progression du prix moyen des articles en provenance des pays industrialisés atteint 31%, contre 2,7% seulement dans le cas des produits chinois, selon l'agence Reuters.

Mais les conditions changent dans la Chine manufacturière.

Selon une nouvelle étude du Bureau of Labor Statistics, à Washington, l'industrie chinoise employait en 2008 quelque 99 millions de travailleurs. Cette force ouvrière est deux fois plus importante que celle des pays du G7 réunis, dont les États-Unis, l'Allemagne et le Canada.

Or, cette étude confirme que les salaires chinois grimpent significativement. De 2002 à 2008, ils se sont appréciés de 100% contre 19% aux États-Unis. Et plusieurs grandes entreprises chinoises, dont le géant technologique Foxconn, ont dû accorder des hausses salariales majeures - souvent de 50% ou plus - en 2010 pour apaiser la grogne des travailleurs face à la hausse du coût de la vie.

Le super train chinois va donc trop vite et Pékin devra prendre les grands moyens pour le ralentir. À surveiller, donc: au moins deux autres hausses des taux d'intérêt en Chine cette année, selon des experts, et même une appréciation marquée du yuan.

1. The New York Times 2. Colliers International Research