Les États-Unis ont retenu leur souffle hier, alors que les négociateurs démocrates et républicains tentaient d'en venir à un compromis pour dénouer l'impasse budgétaire.

Aussi incongru que cela puisse paraître au nord de la frontière, le pays est financé à la petite semaine depuis l'automne dernier, les élus ayant échoué à s'entendre sur le plan budgétaire de 2011.

Aucun accord n'était conclu au moment d'écrire ces lignes. Les démocrates se disaient prêts à consentir à des réductions de dépenses additionnelles de 5 milliards US pour l'année financière en cours. Ils ont ainsi réduit l'écart séparant leur plan (38 milliards) des coupes réclamées par les républicains (40 milliards, selon les informations qui ont filtré plus tôt cette semaine).

Mais 2 milliards, c'est bien peu sur un budget de 3,5 billions de dollars. Mais les républicains, sous pression du mouvement Tea Party, y tenaient ferme. Les négociations achoppaient aussi sur des enjeux religieux, comme le financement de cliniques médicales offrant des services d'avortement -nous sommes aux États-Unis, n'est-ce pas.

Les élus arrivent souvent à un accord de dernière minute. Aucun parti ne souhaite se rendre odieux aux yeux des Américains! Les États-Unis éviteraient ainsi la fermeture du gouvernement. Une telle paralysie ne s'est pas vue depuis que le gouvernement a fermé boutique en 1995 et en 1996, pendant quatre semaines en tout.

Toutefois, même si les parcs nationaux restent ouverts ce week-end, même si les 800 000 employés du gouvernement fédéral jugés non essentiels retournent au bureau lundi, les États-Unis sont loin d'être tirés d'embarras. Il sera toujours minuit moins une.

À supposer que cette crise soit résolue, démocrates et républicains doivent tout de suite s'attaquer au budget de l'année financière 2012, qui commence le 1er octobre. Or, les différences entre les deux approches semblent irréconciliables tant elles sont éloignées.

Une chose fait consensus. Avec une dette nationale de 14,47 billions de dollars et une dette détenue par le public équivalent à 62% de son produit intérieur brut, les États-Unis sont dans le pétrin «big time», pour reprendre une expression que les Américains affectionnent.

Selon les dernières projections du Government Accountability Office (GAO), l'équivalent du vérificateur général des États-Unis, même si le gouvernement réussit à réduire son déficit à court terme, il ne retrouvera jamais l'équilibre budgétaire au rythme où vont les choses.

Même dans son scénario le plus optimiste, les déficits s'aggravent, alors que les Américains vieillissent et que les coûts des soins de santé enflent. Ces tendances lourdes affectent les deux grands programmes gouvernementaux: la Sécurité sociale, offerte aux plus démunis, et l'assurance santé universelle des Américains de 65 ans et plus, appelée Medicare.

Par exemple, la Sécurité sociale, qui représente plus de 20% du budget du gouvernement, a déboursé plus d'argent qu'elle n'en a reçu en 2010 pour la première fois en 25 ans. Même si ce revirement s'explique par la sévérité de la récession, le Congrès s'attend à ce que les déficits se poursuivent. Cela mettra encore plus de pression sur le gouvernement, qui se finançait à même les surplus historiques de la Sécurité sociale.

D'ici 2030, selon le scénario le moins optimiste du GAO, les intérêts sur la dette deviendraient le plus grand poste de dépenses du gouvernement, alors qu'ils se situaient à seulement 6% du budget en 2010, soit au quart des dépenses en santé (24%).

Les deux partis promettent de s'attaquer aux déficits et à l'endettement des États-Unis. Mais leurs approches sont aux antipodes.

Selon le plan républicain dévoilé mardi par Paul Ryan, président du comité budgétaire de la Chambre des représentants, le gouvernement fédéral serait réduit à sa plus simple expression. Sa mission se résumerait à récolter les impôts et à refiler cet argent aux États et aux entreprises privées. Les impôts seraient réduits de façon marquée. Ainsi, le gros des efforts de réduction des dépenses viendrait d'un retrait du fédéral dans les soins de santé.

Ainsi, le programme Medicare serait pratiquement privatisé à partir de 2022, puisque le gouvernement financerait les Américains atteignant 65 ans pour qu'ils s'achètent une assurance privée. Dans ce scénario où l'on verse de l'argent plutôt que l'on assure un service aux Américains admissibles, les plus vulnérables pourraient devoir se passer de traitements, dans la mesure où les coûts médicaux grimpent plus vite que les sommes versées, analyse le New York Times.

Ce plan contraste fortement avec le budget présenté par le président Barack Obama à la mi-février. N'étant pas animé par le même sentiment d'urgence, le président démocrate ne touche pas fondamentalement aux grands programmes sociaux, même s'il espère contrôler les coûts du Medicare et du Medicaid.

Son ambition se résume à réduire les déficits de 1,1 billion, soit de 10% sur 10 ans. Pour y arriver, il compte accroître les revenus du gouvernement en mettant fins aux échappatoires fiscales et en laissant expirer les baisses d'impôt aux plus riches. Il entend aussi réduire les dépenses dans toute une série de secteurs, dont le budget du Pentagone, qui serait amputé de 78 milliards sur cinq ans. En revanche, le président Obama compte investir plus en éducation, en recherche, de même que dans les infrastructures et les énergies propres.

Ignorer les déficits structurels dans les grands programmes sociaux des États-Unis, comme le président Obama le fait pour des raisons électoralistes, revient à pelleter tous les problèmes en avant. Mais il est tout aussi irresponsable de se priver de revenus dans le contexte budgétaire actuel, comme les républicains le prévoient en abaissant les impôts sur le dos des plus pauvres.

Quoi qu'il en soit, les Américains sont mieux de s'y faire. Alors que les élections de 2012 approchent, ils n'ont pas fini d'assister à de tels bras de fer budgétaires.