Cet après-midi, le ministre ontarien des Finances, Dwight Duncan, déposera son quatrième budget. Selon des fuites parues dans les journaux, dont le GlobeandMail, le budget contiendra quelques nouvelles plus ou moins réconfortantes, mais elles feront figure de mince prix de consolation quand on constate le profond délabrement des finances publiques de la province voisine.

L'an dernier, M. Duncan prévoyait pour 2010-2011 un déficit de 19,7 milliards de dollars. Bonne nouvelle: il annoncera aujourd'hui que le déficit de l'exercice ressortira plutôt à 16,7 milliards, 3 milliards de moins que prévu. Cette somme provient en partie des faibles taux d'intérêt, qui ont permis au gouvernement d'épargner 400 millions en intérêts sur sa dette, mais surtout d'un meilleur contrôle des dépenses.

Il était grand temps que ce gouvernement commence sérieusement à s'attaquer à ses dépenses. Depuis qu'il a été élu pour la première fois en 2003, le gouvernement libéral de Dalton McGuinty a littéralement ouvert les vannes. En 6 ans, les dépenses de programmes sont passées de 76 à 116 milliards, une hausse affolante de 52%. La dette nette de la province, pendant ce temps, est passée de 141 à 220 milliards.

La mauvaise nouvelle, c'est que les Ontariens ne sont pas au bout de leurs peines. Le budget annoncera d'autres déficits: autour de 17 milliards cette année, de 16 milliards l'an prochain. Le ministre prévoit que la province ne réussira pas à retrouver l'équilibre financier avant 2017-2018, mais une projection sur une aussi longue période vaut ce qu'elle vaut, c'est-à-dire pas grand-chose. Il n'y a rien de réjouissant là-dedans. Mais comment en est-on arrivé là?

En 2003, le gouvernement conservateur d'Ernie Els est battu. Il laisse au gouvernement McGuinty un déficit de 5,5 milliards, total qui peut sembler énorme, mais qui ne compte que pour une piqûre de maringouin quand on sait ce qui va suivre. Le prédécesseur de Dwight Duncan aux Finances, Greg Sorbara, mettra deux ans à effacer ce déficit. Il y parvient notamment en introduisant un très impopulaire impôt santé. Mais le retour à l'équilibre ne signifie pas nécessairement un meilleur contrôle des dépenses, au contraire. Les dépenses continuent d'augmenter beaucoup plus rapidement que l'inflation. Si M. Sorbara réussit, entre 2005 et 2007, à déposer trois budgets équilibrés, c'est essentiellement parce qu'il fait du surf sur la croissance économique.

Or, voici que la réputation de M. Sorbara est éclaboussée par un scandale financier, et il doit quitter le cabinet. Une enquête policière le déclare complètement innocent, mais il a abhorré l'expérience et refuse de réintégrer le Conseil des ministres.

C'est Dwight Duncan qui le remplace, en octobre 2007. Pauvre lui! Son premier budget, celui de 2008-2009, doit composer avec la terrible crise qui balaie le monde. L'Ontario, avec sa forte concentration de constructeurs de voitures, est frappé de plein fouet. Comme tous les gouvernements, celui de M. McGuinty augmente ses dépenses pour soutenir l'emploi. D'où un déficit de 6,4 milliards. Jusque-là, personne ne trouve quelque chose à redire. Le problème, c'est que Toronto perd rapidement la maîtrise de la situation. La récession passée, on continue à dépenser. Le déficit atteint un record de 24,7 milliards l'année suivante, et on a vu plus haut comment, malgré des mesures de contrôle plus sévères, la situation demeurera critique au cours des prochaines années.

Cet après-midi, le discours du budget annoncera d'autres mesures: mise sur pied d'un comité d'experts qui se penchera sur le problème de la dette; création d'un programme pour réduire les dépenses en confiant certaines activités gouvernementales au secteur privé (le ministre pense ainsi épargner 1,5 milliard en 3 ans).

Et malgré tout cela, en 5 ans, entre 2008 et 2012, le gouvernement ontarien aura accumulé plus de 80 milliards en déficits!

Comme Québécois, nous aurions bien tort de nous réjouir des malheurs de nos voisins. Le programme canadien de péréquation est basé sur la capacité fiscale des provinces. Quand l'économie des provinces riches va bien, les provinces pauvres en profitent. Or, des finances publiques en mauvaise santé, comme c'est le cas en Ontario, sont un frein à la croissance économique. L'Ontario, pour la première fois en 2009, a même touché des paiements de péréquation. Pas beaucoup, certes: 347 millions - comparativement à 8 milliards pour le Québec la même année -, mais péréquation tout de même. En 2010, en revanche, les paiements de péréquation en Ontario ont frisé le milliard. Que la province considérée comme la locomotive de l'économie canadienne en soit rendue là, c'est dire à quel point la blessure est profonde.