En dehors des milieux financiers - et encore -, Douglas Melville est un parfait inconnu. Pourtant, il compte parmi les meilleurs alliés des consommateurs. Douglas Melville est l'ombudsman des banques (son titre officiel est un peu plus compliqué: ombudsman des services bancaires et d'investissement, ou OSBI).

Son bureau a été fondé en 1996, et son mandat est simple: recevoir les plaintes des clients des institutions financières, faire enquête si nécessaire, et trouver un règlement. Il dispose d'un budget de 8,5 millions de dollars, financé par les banques, courtiers en valeurs mobilières, fonds communs et autres institutions financières. Le bureau est structuré de façon à conserver une indépendance complète.

Vendredi, M. Melville déposait son rapport annuel. On y apprend notamment que les plaintes à l'égard des institutions financières ont atteint un sommet sans précédent en 2010. Les principaux motifs de mécontentement des clients sont, dans l'ordre, les frais élevés, le mauvais service à la clientèle et les erreurs de traitement. Le Québec ne compte que pour 11% des plaintes, mais cela s'explique facilement. Desjardins, qui domine massivement le marché des services financiers au Québec, a son propre ombudsman et n'est pas couvert par l'OSBI. Ce qui est remarquable, c'est la croissance rapide des plaintes; en 1997, première année de son existence, l'OSBI a reçu une centaine de plaintes ; en 2010, il y en avait plus de 1000. Le rapport annuel parle d'une «augmentation dramatique».

Une telle expansion n'est pas surprenante. Le monde des services financiers est devenu une véritable jungle, avec des produits de plus en plus complexes. Même pour ceux qui suivent leurs affaires de près, il n'est pas toujours facile de s'y retrouver. Et ce ne sont pas tous les «conseillers financiers» des institutions qui sont capables de fournir des explications claires et facilement accessibles.

Or, voici que Statistique Canada vient de publier les résultats d'une vaste enquête sur les connaissances financières des Canadiens. Plus de 8300 répondants ont participé à l'enquête, qui fournit un portrait remarquablement précis de la situation. C'est la première fois qu'une recherche semblable est effectuée au Canada, de sorte qu'on ne peut pas dire si le niveau des connaissances financières des Canadiens s'améliore ou se détériore. Des recherches effectuées dans d'autres pays montrent clairement le lien entre la capacité des consommateurs à «naviguer» dans un système financier complexe et leur capacité à améliorer leur qualité de vie (accession à la propriété, bonne planification de la retraite, etc.).

Statistique Canada a demandé aux répondants de répondre à 14 questions testant leurs connaissances en finances personnelles. Les résultats étaient ensuite traduits en pourcentage. Voici deux exemples : la plus facile (94 % des participants ont eu la bonne réponse) et la plus difficile (seulement 30% des gens ont pu y répondre correctement).

La plus facile: laquelle des situations suivantes peut nuire à votre cote de crédit?

a) Faire des paiements en retard sur un prêt ou une dette.

b) Rester dans le même emploi trop longtemps.

c) Demeurer dans le même secteur trop longtemps.

d) Utiliser fréquemment une carte de crédit pour des achats.

La plus difficile: dans quelles circonstances serait-il financièrement avantageux d'emprunter pour acheter un article aujourd'hui et de rembourser cet emprunt avec un revenu futur?

a) Lorsque l'article tombe en solde.

b) Lorsque l'intérêt sur le prêt est supérieur à l'intérêt obtenu sur un compte d'épargne.

c) Lorsque l'article acheté à crédit permet d'obtenir un emploi beaucoup mieux rémunéré.

d) Il est toujours plus avantageux d'emprunter pour acheter un article aujourd'hui et de rembourser cet emprunt avec un revenu futur.

Les bonnes réponses sont a et c.

Voyons maintenant les résultats d'ensemble.

En moyenne, les Canadiens obtiennent une note de 67%. Autrement dit, ils sont capables de répondre correctement à 9 questions sur 14.

Ce sont les Québécois et les résidents des provinces de l'Atlantique qui obtiennent la pire note : 64 %. À l'autre bout de l'échelle, ce sont les Albertains qui ont les meilleures connaissances financières, avec 70 %. Mais la différence entre les meilleurs et les pires élèves demeure relativement mince.

Comme on s'en doute, plus on est riche, meilleures sont les connaissances en finance. Les répondants gagnant moins de 67 000$ ressortent avec un score de 62%, comparativement à 71% chez ceux qui gagnent plus de 95 000$. La note grimpe à 78% chez les personnes riches vivant seules. Le niveau de scolarité joue un rôle important ; chez ceux qui n'ont pas dépassé le secondaire, la note est de 60% ; chez les diplômés universitaires, 73%. Aucune surprise là non plus. De la même façon, les connaissances des propriétaires sont plus élevées que celles des locataires.

Enfin, les immigrants récents (arrivés au Canada il y a 10 ans ou moins), avec 58%, accusent un retard assez important par rapport aux personnes nées au Canada (68%). Chez les immigrants gagnant moins de 67 000 $, ce chiffre tombe à 52%.