Le diable est aux vaches dès qu'il est question du financement public d'équipements coûteux qui ne sont pas destinés à satisfaire les premières nécessités de la vie. Le projet du nouveau Colisée Labeaume-Charest (!) soulève donc la polémique. Et ce, précisément à une époque où, dirait-on, l'État néglige constamment l'essentiel au profit de l'accessoire. Lorsque les vieux sont parqués dans des étables et que les viaducs s'écroulent, il peut en effet être scandaleux d'installer à Québec, aux frais de la princesse, un rond de glace de 400 millions!

Le diable est aux vaches dès qu'il est question du financement public d'équipements coûteux qui ne sont pas destinés à satisfaire les premières nécessités de la vie. Le projet du nouveau Colisée Labeaume-Charest (!) soulève donc la polémique. Et ce, précisément à une époque où, dirait-on, l'État néglige constamment l'essentiel au profit de l'accessoire. Lorsque les vieux sont parqués dans des étables et que les viaducs s'écroulent, il peut en effet être scandaleux d'installer à Québec, aux frais de la princesse, un rond de glace de 400 millions!

Au surplus, une deuxième ligne de fracture apparaît rapidement: celle entre le sport et l'art.

Aux yeux de plusieurs, un nouveau Colisée ne sera qu'un cirque romain fourguant «du pain et des jeux» à un bas peuple aliéné par des morons montés sur patins. Pour d'autres, la nouvelle salle de l'Orchestre symphonique de Montréal, construite elle aussi à même les fonds publics, ne fera que satisfaire les vices z'artistiques d'une petite élite snobinarde.

Bref, on aurait bien besoin ici d'accommodements raisonnables.

Le premier de ces accommodements serait de concéder qu'un amphithéâtre moderne est un équipement polyvalent où l'art aussi est au menu des événements offerts. Mais, bien sûr, la question de fond n'est pas là. Et elle ne consiste pas non plus à déterminer si, intrinsèquement et dans l'absolu, l'art est supérieur au sport - un débat comparable à celui sur le sexe des anges.

Par contre, il importe de décider si le sport-spectacle (par opposition à sa pratique en amateur) est aussi important que l'art-spectacle (même remarque) dans le bien-être intellectuel et moral d'une nation ; dans la vigueur de son identité, de sa cohésion, de sa culture, de son niveau de bonheur. Le cas échéant, un amphithéâtre sportif n'aurait pas, en soi, une valeur moindre qu'une salle de concert.

Or, on peut raisonnablement plaider que la contribution de l'un et de l'autre est égale.

Chacun sait que le hockey a contribué à bâtir l'identité et la solidarité québécoises autant que la chanson ; que Maurice Richard n'a pas été moins important à ce point de vue que Félix Leclerc. En Inde, le cricket a eu une importance comparable. La puissance culturelle du foot mondialisé (comme le sont l'économie, l'information et l'art) est indéniable. Les grandes civilisations antiques ne hiérarchisaient pas les jeux de l'arène par rapport à ceux du théâtre. Aujourd'hui, ceux qui pourfendent le sport-spectacle ne font en réalité que confirmer son importance.

D'ailleurs, l'argument se retourne.

Et on n'aurait aucune raison de huer le maire Régis Labeaume si, à la place - ou en sus - d'un nouveau Colisée, il décidait de réclamer des fonds publics pour bâtir une... nouvelle salle pour l'Orchestre symphonique de Québec!