Vous avez sans doute pris connaissance de la nouvelle série de quatre fascicules sur la gestion de vos finances personnelles que vient de publier l'Autorité des marchés financiers (AMF). Des conseillers financiers se demandent pourquoi notre chien de garde de la finance a permis à des institutions comme la Banque Nationale et Desjardins de se payer des pages d'annonce dans lesdits fascicules éducatifs.

Ces conseillers de diverses institutions financières et cabinets de courtage trouvent que l'AMF donne à ces annonceurs une caution inacceptable pour un organisme chargé de les surveiller. Et ils jugent inacceptable que l'AMF permette à ces institutions de faire de la promotion avec les fascicules conçus et produits par elle, et par surcroît diffusés sur le site internet de l'Autorité.

J'ai écrit à l'AMF pour lui faire part des critiques formulées à l'endroit de son association avec notamment la Banque Nationale et Desjardins. Voici la réponse de l'AMF que m'a fait suivre son porte-parole, Sylvain Théberge.

«1- La publication de fascicules par l'intermédiaire de Gesca permet de rejoindre plus de 440 000 foyers québécois. 2- Ce projet s'inscrit dans la mission de l'Autorité des marchés financiers qui est de protéger les investisseurs, notamment en leur fournissant de l'information objective leur permettant de prendre des décisions éclairées. 3- Tout comme avec les éditions Protégez-Vous, l'Autorité s'est assurée de conserver le plein contrôle du contenu éditorial et publicitaire des fascicules en demeurant le principal commanditaire de l'initiative et en excluant toute publicité visant à promouvoir directement des produits ou services financiers. Merci et bonne fin de journée.»

Oups! Cette réponse m'apparaît un peu trop simpliste.

Les conseillers irrités par les annonceurs des fascicules ne reprochent pas à l'AMF d'avoir distribué ses fascicules par l'entremise des journaux de Gesca (dont La Presse), à l'instar des encarts publicitaires des grands magasins. Parenthèse: à partir de janvier, ce sera au tour de Quebecor Média de servir de canal de distribution (émissions et capsules télé, articles de magazine, chroniques dans le Journal, etc.) aux outils éducatifs de l'AMF.

Les conseillers irrités par la publicité dans les fascicules n'ont également rien à redire sur le contenu éducatif desdits fascicules.

Par contre, là où l'AMF semble les prendre pour des tartes, c'est avec sa réponse du point 3, alors qu'elle affirme avoir exclu de ses fascicules «toute publicité visant à promouvoir directement des produits ou services financiers».

Allô exclusion!

Premièrement, il est important ici d'indiquer que l'AMF a vendu l'endos des quatre fascicules à la Banque Nationale, qui y fait la promotion de son site «jecomprends.ca», lequel site est devenu un outil promotionnel de grande portée médiatique pour la banque québécoise.

Ce site jecomprends.ca a été créé à la suite des pénalités de 75 millions de dollars que la Banque Nationale a été obligée de verser dans le cadre des règlements à l'amiable conclus entre les autorités de réglementation (CVMO, AMF, etc.) et les sept institutions financières (dont la filiale Financière Banque Nationale) liées à la grave crise du marché canadien du PCAA non bancaire.

De loin l'institution la plus impliquée dans la crise du PCAA, la Banque Nationale a été obligée de verser à l'AMF une sanction administrative de 70 millions et des frais d'enquête d'un million, en plus de devoir investir quatre millions dans une campagne d'éducation financière. C'est avec cet investissement de 4 millions que la BN a créé le site jecomprends.ca.

Entre nous, ce site n'est pas plus éducatif, ni moins éducatif bien sûr, que le site internet de chacune des grandes banques canadiennes et des informations qu'elles y diffusent sur les produits et services financiers. Ce n'est pas un reproche, c'est un constat.

Je trouve pour le moins paradoxal de voir que l'institution financière la plus impliquée et la plus pénalisée dans la crise du PCAA puisse devenir le plus important annonceur et partenaire des nouveaux fascicules éducatifs de l'AMF.

Que l'on me comprenne bien. Je ne suis pas contre l'utilisation à de vraies fins éducatives des millions de dollars de sanction imposés à la Banque Nationale. Je suis contre le fait que l'AMF cautionne la propagande de la Banque Nationale.

Au sujet des annonces de Desjardins que l'on trouve dans les fascicules, il est aberrant de se faire répondre par l'AMF qu'elle a exclu «toute publicité visant à promouvoir directement des produits ou services financiers».

Ainsi, dans le fascicule «Maîtrisez vos placements», Desjardins fait la promotion de ses «Portefeuilles profilés - Revenu de retraite», à «Capital protégé à 100%, rendement garanti». Dans le fascicule «Maîtrisez vos assurances automobile et habitation», c'est Desjardins Assurances générales qui fait la promotion de ses assurances auto et habitation. Et dans le fascicule «Maîtrisez vos assurances sur la vie et la santé», Desjardins Sécurité financière prend la relève.

Non mais quel est l'intérêt de l'AMF de cautionner ainsi nos deux plus grandes institutions bancaires?