L'Autorité des marchés financiers (AMF) est-elle au-dessus de tout soupçon dans la bataille de ruelle qu'elle livre à l'ex-conseiller financier Alan Murphy ? Est-ce un cas d'acharnement de la part de l'organisme paragouvernemental de réglementation et d'encadrement du secteur financier du Québec?

Alan Murphy, 57 ans et 28 années d'expérience, menait une belle carrière de conseiller financier dans la région de Québec. Bon an mal an, il gagnait entre 260 000$ et 300 000$, soit environ quatre fois plus que le revenu moyen d'un conseiller financier. Puis, à partir du 12 juin 2007, l'AMF multiplie depuis ce jour-là les poursuites en vue de ne pas lui redonner son permis de pratique.

À force de se défendre en cour, Alan Murphy est aujourd'hui au bord de la ruine financière. Mais malgré une santé physique et mentale très fragile, il continue de se battre contre les régulateurs de l'AMF. Le 7 octobre dernier, ses avocats de la firme Barakatt Harvey déposaient en Cour supérieure une requête introductive d'instance en dommages et intérêts de 4,4 millions de dollars contre l'AMF.

Dans cette poursuite, M. Murphy reproche, entre autres, à l'AMF de l'avoir « systématiquement harcelé » et « lucidement diffamé » auprès de ses fournisseurs de services et produits financiers. Il accuse l'AMF de s'être servi de ses « ressources énormes à la fois d'ordre juridique, humaine et financière » pour multiplier les enquêtes et les procès sans motifs valables dans « le but de le stresser, de nuire à sa santé, de l'obliger (...) à engager d'importantes sommes pour ses frais juridiques », le contraignant ainsi à liquider ses biens et à s'endetter lourdement.

D'ici à ce que cette poursuite de 4,4 millions soit entendue, Alan Murphy doit retourner en cour pour se défendre à nouveau contre l'AMF. Mardi prochain, la Cour du Québec entendra la cause de la poursuite pénale de 145 000$ que l'AMF lui a intentée l'an passé. L'AMF lui reproche d'avoir agi à titre de représentant en épargne collective et en assurances de personne alors qu'on lui avait retiré son permis de pratique. Et l'AMF n'y va pas de mains mortes puisqu'elle réclame à M. Murphy des amendes dix fois supérieures aux amendes minimales prescrites par la Loi.

Cette poursuite pénale de 145 000$ remonte à janvier 2009, soit sept mois après que le juge Daniel Lavoie, de la Cour du Québec, ait blâmé le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, un organisme qui relève de l'AMF.

Le juge Lavoie reprochait au dit Comité de discipline d'avoir imposé à M. Murphy une sanction déraisonnable, soit la radiation à vie de son permis.

« Non seulement cette décision (la radiation) dévie de l'objectif de protection du public et empêche définitivement l'appelant (M. Murphy) d'exercer sa profession, elle est substantiellement un acte de répression de la personnalité et de la conduite de M. Murphy devant son comité de discipline», écrit le juge Lavoie.

Cette radiation à vie du permis de M. Murphy était effective depuis le 12 juin 2007, alors qu'il s'était représenté seul devant le Comité, et ce « sous forte médicamentation et fort malade », tel que confirmé. Précisons ici que les sanctions de la Chambre de la sécurité financière de l'AMF sont effectives, nonobstant appel.

Cela dit, le 8 juin 2008, le juge Lavoie ramène cette radiation à vie à une radiation temporaire d'une année. En passant, on parle ici d'une cause portant sur des vieilles infractions disciplinaires qui se seraient déroulées entre 1994 et 1998! Et fait à noter: aucun des reproches addressés à M. Murphy ne s'apparente à la fraude ou à l'appropriation de biens.

Lors de ce jugement du 8 juin 2008, il reste à M. Murphy seulement quelques jours à purger à son année de radiation temporaire. Alors qu'il s'apprête à remettre la main sur son permis de pratique, la Chambre de la sécurité financière de l'AMF décide d'en appeler de la décision du juge Lavoie. Et conséquemment, l'AMF empêche M. Murphy de reprendre son permis de pratique.

Alan Murphy n'a d'autre choix que de se pourvoir en appel, à son tour, contre ces verdicts de culpabilité qui l'assaillent.

Comme on l'a vu précédemment, six mois plus tard, soit en janvier 2009, l'AMF portait une nouvelle série de 29 chefs d'accusation contre M. Murphy, et lui réclamait des amendes de 145 000$.

Le 2 juin 2010, la Cour d'appel maintient la décision du juge Lavoie de ramener la radiation à vie du permis de M. Murphy à seulement une année de radiation temporaire.

Dans cet arrêt de la Cour d'appel, le juge Guy Gagnon qualifie la sanction du Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière de l'AMF de "déraisonnable, car si sévère qu'elle est injuste étant donné la gravité objective des infractions reprochées et en considération des facteurs aggravants et atténuants" de l'affaire.

Qu'à cela ne tienne, un mois et demi plus tard, soit le 16 juillet dernier, l'AMF réattaquait de nouveau M. Murphy devant cette fois le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières, en vue de lui interdire d'effectuer directement ou indirectement la vente de produits d'épargne collective.

La semaine précédente, soit le 8 juillet, l'AMF avait déposé une requête devant le Bureau de décision et de révision contre le cabinet de services financiers qui a fait l'acquisition de la clientèle de M. Murphy. On demande au cabinet de remplacer son dirigeant et unique représentant. Et propriétaire par surcroît!

Une histoire à suivre!