Est-ce que les gens victimes d'un taux de crédit exorbitant disposent d'un quelconque recours contre les institutions financières qui les exploitent de la sorte?

Un exemple concret: Mme Marie, à qui la CitiFinancière demandait un taux de crédit de 57% sur un emprunt personnel de 3500$, aurait-elle eu une chance de se faire dédommager si elle avait démontré que l'institution financière avait abusé de sa situation financière précaire?

On sait qu'à 60% ou plus, on parle de taux usuraire, donc interdit en vertu du Code criminel. Mais y a-t-il moyen de se défendre contre des taux de crédit excessifs allant de 38 à 59%?

Selon Me Maxime Tremblay, de la firme Le Palier juridique, la réponse serait affirmative. Il faudrait démontrer, en vertu du Code civil, que l'emprunteur a été victime d'exploitation.

Pourquoi se référer au Code civil au lieu d'avoir recours à la Loi sur la protection du consommateur?

Parce qu'en principe, on ne peut pas compter sur l'Office de la protection du consommateur (OPC) pour se protéger contre de tels taux, aussi abusifs soient-ils. Pour sa défense, l'OPC me réfère au Code criminel et à son taux usuraire, laissant ainsi entendre qu'au-dessous des 60%, il n'y aurait rien à faire ou presque, du moins de son côté.

Pire encore. L'OPC, à sa décharge cependant, contribue même à alimenter une dangereuse confusion qui peut servir d'attrape. Sous le titre «Contrat de prêt d'argent», de la CitiFinancière, on trouve entre les parenthèses: «Loi sur la protection du consommateur (art. 115)». Comme si toutes les composantes du taux de crédit de 57% que demande la CitiFinancière sont cautionnées par ladite loi. Les composantes de ce taux de crédit comprennent: l'intérêt sur le capital emprunté; la prime des diverses assurances liées au prêt (laquelle prime s'élève à 38,8% de la somme empruntée); et l'intérêt sur la prime desdites assurances (vie, invalidité et chômage... involontaire!).

Malheureusement, le gros de la protection de l'OPC se résume dans ce cas-ci à obliger les institutions financières à décortiquer le taux de crédit exigé, point à la ligne. Qu'il soit excessif ou pas, ce ne serait pas du ressort de l'OPC, nous dit-elle.

Protéger par le Code civil

Cela dit, il ne faut pas jeter l'éponge contre les taux de crédit exorbitants.

«L'une des raisons pour lesquelles la Loi sur la protection du consommateur ne traite pas de cette question, c'est que le Code civil du Québec en traite», explique Me Maxime Tremblay.

Il évoque l'article 2332, qui se lit comme suit: «Lorsque le prêt porte sur une somme d'argent, le tribunal peut prononcer la nullité du contrat, ordonner la réduction des obligations qui en découlent ou, encore, réviser les modalités de leur exécution dans la mesure où il juge, eu égard au risque et à toutes les circonstances, qu'il y a eu lésion à l'égard de l'une des parties.»

«Ainsi, devant une telle situation, ajoute Me Tremblay, un juge pourra intervenir en présence d'un contrat lésionnaire. Mais qu'est-ce qu'un contrat lésionnaire? Le Code civil du Québec répond à cette question au premier alinéa de l'article 1406: «La lésion résulte de l'exploitation de l'une des parties par l'autre, qui entraîne une disproportion importante entre les prestations des parties; le fait même qu'il y ait disproportion importante fait présumer l'exploitation».»

Le critère à retenir ici porte sur «l'exploitation» de l'emprunteur par le créancier.

Pour avoir gain de cause, comment définit-on l'exploitation de l'emprunteur? Me Tremblay cite à cette fin les auteurs Jean Pineau et Serge Gaudet: «Ainsi, dans le cadre d'un contrat de prêt portant sur une somme d'argent, l'emprunteur devra démontrer que le taux d'intérêt ou autres obligations résultant du contrat conclu dépassent largement les conditions normales ou habituelles d'un prêt du même montant et du même type. Cette preuve étant faite, il appartiendra au prêteur de prouver qu'il n'a pas exploité son cocontractant, compte tenu des circonstances de l'espèce, compte tenu des montants engagés, des conditions économiques du moment, des risques courus, etc.»

Passons maintenant aux recours. Si la somme réclamée est de 7000$ et moins, le recours devrait être intenté devant la Cour du Québec à la division des petites créances. Bien que les gens doivent se défendre seuls, ils peuvent bénéficier de l'aide du greffier pour intenter le recours. Tout en comptant sur le juge attitré à la cause pour poser les bonnes questions aux avocats des banquiers.

Concernant les réclamations supérieures à 7000$, le recours devra être intenté (idéalement avec l'aide d'un avocat) devant la Cour du Québec ou la Cour supérieure.

En cette période où les bureaux d'avocats spécialisés dans les recours collectifs obtiennent une bonne moyenne au bâton, je ne comprends pas qu'aucun d'entre eux n'allume devant le scandale des taux de crédit exorbitants chargés à des emprunteurs précaires.